Rira bien qui rira le dernier

Trois frères, une fiole magique, une hyène maléfique… de fantastiques aventures au pays des rêves !Et une nouvelle nuit de péripéties pour  mes deux frères et moi ! Cette fois-ci, j’en suis sûr, nous allons réussir à redonner

sa forme humaine à Simba. Mais plus notre

rêve avance, et plus il me paraît étrange : qui est donc ce mystérieux Mounrad, qui semble si cruel avec les animaux? Peut-on faire confiance à la jeune Liana pour nous aider?

Et où est donc passé notre ennemi juré, le

terrible Darmoun ? Une chose est sûre : nous ne sommes pas au bout de nos surprises…

Carole Bonnet

Rira bien

qui rira le dernier

Illustrationsde CoralieVallageas

À tous ceux qui, comme moi, gardent une âme d’enfant. Pour que nous puissions continuer à rêver,

et surtout à croire en nos rêves.

Une nuit, à ma grande surprise, mes deux frères et moi nous sommes retrouvés plongés dans le

meA.

me reA.  ve et avons

,ete,

contrai•  nts

d’unir leurs forces.

Notre mission ? Trouver une fiole contenant l’élixir qui  rendra à notre chat, Simba, son apparence de jeune garçon. Pas si facile ! En effet, Darmoun, un sorcier transformé en hyène, a besoin de cette même potion pour quitter son corps d’animal.

Un seul antidote pour deux… L’aventure promet d’être semée d’embûches.

• •  

..:,..« w

,. lit-

• •

•  

.• ..-,..,  T  •         ,.

Le moment était venu. Mes frères et moi avions eu beau nous creuser la tête pendant des jours et des jours pour éviter cette catastrophe, le départ était inévitable, le démarrage, imminent. Dans quelques minutes, j’allais monter dans le car qui m’emporterait loin des miens pendant plusieurs jours, et donc plusieurs nuits.

Ce n’est pas que ça me dérange, d’ordinaire, au contraire ! Je suis mûr, indépendant, et je n’ai pas incessamment besoin de maman,

contrairement à Charly et à Éliot. La soif des grands espaces, la découverte           de contrées inconnues, c’est le genre de choses que j’apprécie. Et puis, un aîné se doit d’être débrouillard. C’est comme ça!

L’idée   d’être                plongé   dans      la nature     provoque                généralement

mon enthousiasme. Je garde un très bon souvenir de toutes les classes vertes auxquelles j’ai participé. La meilleure reste pour moi celle durant laquelle j’ai découvert ma première empreinte de sanglier. J’étais très fier, car tout mon groupe était persuadé qu’il s’agissait d’une empreinte de cervidé.            Certains                           n’en démordaient           pas, c’était évidemment une trace de chevreuil; d’autres s’obstinaient à croire que c’était celle d’un cerf. Eugène, notre éducateur nature, avait fini par confirmer mes dires après avoir déplié un fascicule et

l’avoir tourné et retourné dans tous les sens. Quand je pense à la tête qu’il faisait, je ris encore.

En général, cette parenthèse d’oxygène dans l’année scolaire me permet d’en apprendre un peu plus sur moi-même, de me perfectionner                                  dans l’apprentissage des techniques de survie et de retrouver la nature avec laquelle je suis parfois… en osmose!

J’aurais donc dû être béat de bonheur à l’approche du départ. Eh bien non ! Cette fois, c’était différent. Le sort de notre chat passait avant mon bien-être. Enfin, quand je dis chat… Mes frères et moi allions être séparés géographiquement, et c’est ça qui me préoccupait. Quelle tournure allait donc prendre notre mission

? Pourrions-nous nous retrouver ensemble dans le même rêve et permettre à notre matou de

redevenir Yakou, le jeune garçon qu’il était en réalité ?

La tête pleine de ces questions lancinantes, je m’approchais du car qui allait nous emmener vers

<< le Bois des Secrets >>. Quel programme ! Comme d’habitude, ces séjours sont un déchirement pour mes parents, qui supportent mal l’éloignement d’avec leur progéniture.

  • N’oublie pas de te brosser les dents avant d’aller te coucher…
  • Oui, maman !
  • Je t’ai mis quelques bonbons dans ton sac à dos, mais ne mange pas tout d’un coup…
  • Ouiiiiii, maman !
  • Et si quelque chose ne va pas, surtout, dis-le à ton institutrice, OK?
  • Ouiiiiiiiiiiiiiiii, maman !
  • Ça va passer vite, cinq jours, tu verras!

Pendant m’assenait

que    maman     poule les     dernières

recommandations d’usage en reniflant pour ne pas laisser échapper une accumulation de larmes, les copains montaient déjà dans le car. Je tentais tant bien que mal de rassurer mes parents, afin qu’ils me laissent partir. Je ne suis plus un bébé, et mes frères, Charly et Éliot, n’allaient sûrement pas manquer de mettre de l’animation à la maison…

  • Allez, maman, t’inquiète pas,

ça va aller!

Pourtant,       dans            l’immédiat, c’était  plutôt moi qui m’inquiétais

: je n’allais pas pouvoir m’installer au fond du bus. Les meilleures places étaient sans doute déjà prises par Maurice et sa bande. En plus, papa avait encore son mot à dire:

  • Tiens, mon fils, tu l’essayeras

! C’est une boussole lumineuse qui

,                                .  

fait   .également    réchaud.         Je                   l’ai

term1nee ce matin.

Tout en me faisant un petit briefing sur le mode d’emploi de sa nouvelle invention, il essayait de la faire rentrer dans mon sac, déjà bien chargé. Même si j’étais touché par le fait qu’il avait créé cette chose rien que pour moi, j’étais quand même sceptique quant à son état de marche et son utilité.

A’            ce     moment        précis,                 ma

maîtresse me prit par les épaules et me conduisit au car, l’air compatissant, comme si j’étais un gros bébé qui ne parvenait pas à couper le cordon.

  • Viens, Léa, on n’attend plus que toi. Tu sais, dans cinq jours, tu reverras maman et papa. Allons, sèche tes larmes, ça va aller !

J’entendais déjà les rires de mes copains. Ma réputation venait de prendre un sacré coup dans l’aile !

J’allais passer pour l’idiot de service. Heureusement que mes frères étaient déjà en classe, car je

suis certain qu’ils en auraient rajouté une bonne couche, juste par plaisir.

Comme si tout cela n’était pas suffisant, il ne restait plus qu’une place vide dans le car. Et bien sûr, c’était à côté de monsieur Cradoc, le directeur, qui, je vous le confirme, porte bien son nom ! Ce jour-là, promis, je n’exagère pas, il sentait vraiment mauvais. Il avait sans doute pris du fromage puant macéré au petit déjeuner. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, j’eus droit à une ultime action de maman, qui me mit définitivement KO. Le car avait démarré, mais elle était parvenue à faire stopper le conducteur et venait de débouler dans l’autobus comme une folle furieuse.

  • Mon chéri, mon chéri ! Tu as oublié ton doudou ! Tiens, tu dormiras mieux avec !

Les << Hl, Hl, Hl, Hl, Hl, HI 1 >> et les <<

HA, HA, HA, HA, HA, HA >>           de   mes

camarades résonnèrent dans mes oreilles jusqu’à la première pause p1• p1• .

L’écriteau << Domaine du Bois des Secrets >> n’avait pas l’allure accueillante des panneaux que l’on voit plantés à l’entrée des campings de vacances. Il était moisi, rongé par les années et l’humidité ; son aspect augurait plutôt un séjour dans la forêt de l’horreur. Pour compléter le tableau, le ciel s’assombrit et le tonnerre se mit à gronder. Les arbres s’agitèrent de plus en plus violemment, le vent s’engouffra dans les branches, et les nuages, d’un noir d’encre, lancèrent des éclairs. J’eus comme l’impression que nous entrions dans une autre dimension. Je jouai l’humour:

•     •  

Mmm, il y a  un microclimat,

lCl…

Ma tentative n’eut aucun effet sur monsieur Cradoc, trop occupé à se curer les dents avec  ses ongles noircis.

  • Allez, allez, les enfants, on ne traîne pas ! ordonna la maîtresse tout en enfilant un imperméable à l’imprimé coccinelles.

Nous descendîmes sous des trombes d’eau, et c’est dégoulinants que nous gagnâmes rapidement nos dortoirs.

  • Ça pue le rat mort, ici ! C’est Cradoc qui est passé par là ?
  • Ne parle pas si fort, Maurice, s’il t’entend, on va être collés, chuchota Nico.

Maurice se mit à gémir tel un tragédien grec :

Oh non, pas ça ! Léo va pleurer après sa maman. Ah, j’oubliais, le petit-bébé-à-sa-

maman   a apporté son doudou, HA, HA! Big bébé, va !

Il n’en fallut pas plus. Poussé par une force irrésistible, je m’élançai sur lui. Il s’ensuivit une fantastique  course-poursuite. Nous sautions de lit en lit, encouragés par les cris des copai• ns.

-STOOOOOOOOOOOOOPI

Une voix d’outre-tombe, rauque

et puissante, stoppa net notre cavalcade. Quand nous vîmes, dans l’embrasure de la porte, l’individu à qui elle appartenait, le calme revint d’un coup.

Ce devait être le chef du domaine, car il portait un uniforme décoré d’une multitude de décorations et de rubans en tous genres. Le colosse mesurait au moins deux mètres. Son regard effrayant et son allure de fou nous faisaient déjà regretter nos envies de bagarre. Il s’adressa à Maurice

et ‘a mo.i :

  • Hé, les deux nigauds, fini de

faire les marioles ! Prenez vos sacs

à dos, vos duvets, et suivez-moi. Je n’aime pas trop les rebelles dans votre genre…

Je n’en menais pas large. Sans oser lever les yeux, je m’exécutai, suivi de Maurice qui bougonnait :

Il fallait me prévenir qu’il était question d’un séjour dans un camp militaire.

  • La ferme, Momo, le coupai-je auss1.t« ot.

Le géant  nous  emmena                 dehors,

à l’orée de la forêt. Là, nous découvrîmes avec horreur que nous allions passer la  nuit  dans un vieux cabanon.

Mais, m’sieur, bredouilla Maurice, soudain devenu vert, vous n’allez quand même  pas nous laisser ici cette nuit ? J’vous promets qu’on se battra plus.

C’est sûr, cet environnement n’était pas vraiment rassurant : la nuit, les bruits, l’inconnu, l’isolement. Pourtant, ça ne m’effrayait pas du tout, mais pas

du tout. Juré, craché, foi de Léo. Ça, au moins, c’était de l’aventure ‘•      Notre  terrible  accompagnateur tourna les talons et nous laissa dans l’obscurité.
  • Ça ne  va  pas  vous tuer,    les

gosses. Bonne nuit!

Maurice se mit à sangloter.

  • Je veux maman, SNIF I Je veux maman,        SNIF,        SNIF.       AHHHHHHHHHHH     1
C’est  quoi  ce  bruit  ? Je         veux ma

maman…

Alors là, je jubilais. Et dire que, quelques minutes plus tôt, ce même grand dadais me traitait de Big Bébé ! Pfffff ! on aura vraiment tout vu…

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

Dernière page du chapitre

• •

•  

.• ..-,.., T  •         ,.

RRRRRRR…PFFFFF…RRRRRR…PFFFFF…

Maurice avait tellement pleuré qu’il avait fini par s’endormir. Et depuis, il ronflait. C’était comme s’il sciait du bois pour tout un hiver sibérien. Il ronronnait comme une vieille locomotive à vapeur. Avec ce boucan, jamais je n’arriverais à m’endormir. À la maison, quand papa ronfle, maman a pour habitude de siffler. Elle dit que ça marche. Même si je ne croyais pas trop à ce genre de remède de bonne femme, je n’avais rien à perdre. Je m’y

risquai. En me levant pour aller siffloter aux oreilles de mon voisin de matelas, je m’aperçus avec surprise que quelque chose pendait à mon cou.

L’obscurité avait envahi le cabanon, et il n’y avait pas moyen de voir quoi que ce soit. À tâtons, je pus attraper mon sac à dos. Avec la lampe de poche de papa, j’y verrais plus clair. Enfin, si elle fonctionnait…

  • Mais où est donc cette lampe

de poche ? POUAH I Mais c’est quoi ce truc gluant ?

Mes frères ! Des rois ! Oui, je dis bien des rois, des dieux, même ! Des dieux de la bêtise. Quel idiot je faisais ! Il n’y avait qu’eux pour me faire un truc pareil. Comme s’ils allaient me laisser partir sans me faire une blague de leur  cru. Et je n’avais rien vu venir !  Un bon fromage puant avait été glissé dans le fond de mon sac à dos. Dire que je soupçonnais monsieur

Cradoc d’avoir mangé un camembert trop fait. Je m’étais même demandé depuis combien de temps il ne s’était pas lavé !

Après m’être sommairement débarrassé de la pâte coulante, je mis enfin la main sur la boussole­ lampe-réchaud           de papa. Incroyable mais vrai, l’invention

fonctionnait. Je dirigeai le rayon lumineux vers mon cou et, stupéfait, je vis le sablier qui y était suspendu. Les grains de sable s’écoulaient déjà : notre rêve venait de commencer. Je laissai Momo continuer sa nuit et me mis à la recherche de mes frères. Il ne faisait aucun doute que Charly et Éliot étaient dans les parages.

Brrrr,     c’est                           lugubre,                           ce domaine, la nuit, fis-je tout bas.

Puis je criai :

CHARL           1

I  

ELIOOOOOOOOOOOOT 1

Le   fait    de    ne           pas   les   voir accourir      en      se             chamaillant

m’inquiéta un tant soit peu. Était­ ce à cause de notre éloignement géographique ? Allais-je devoir accomplir la mission tout seul ? Trouver par moi-même la fiole avant ce vil sorcier de Darmoun et ainsi sauver Yakou ?

Soudain, un craquement me fit sursauter.

  • Y a quelqu’un ? Éliot, Charly, c’est vous?

Je dirigeai ma boussole-lampe en direction du bruit. Une silhouette enfantine prit la poudre d’escampette, zigzaguant entre les arbres. Il ne s’agissait ni de Charly ni d’Éliot, j’en étais certain. J’hésitai : était-ce malin d’aller courir après n’importe qui ? Et si c’était un piège? Mais je n’eus pas le temps de trouver la réponse. Quelqu’un pestait non loin de moi.

  • Et  puis  zut  !  J’en  ai marre,

moi, d’avancer dans ces feuilles, c’est pas facile ! Je vais souffler dans ma corne de brume…

–                         Et moi, tu crois que j’ai envie de rester ici ? En plus, je n’ai pas encore utilisé l’objet magique que m’a donné notre amie Cr anium1… Écoute, Charly, j’ai une idée : je vais nous saupoudrer de cette poudre de nuage et…

Je ne laissai pas à Éliot le temps d’exécuter son plan.

  • OUOUOUOOUOUH ! Je suis là, les frérots !
Même dans la pénombre, je pouvais distinguer le soulagement dans les yeux d’Éliot, trop heureux de me retrouver. Il faut dire que je suis le plus grand et que mes frères ont pour moi un respect incommensurable.
  • Où étais-tu, pauvre nouille ? Ça fait un moment qu’on marche dans ce trou paumé, bougonna Charly en me foudroyant du regard.

Hmm, question respect, j’ai parlé un peu vite…

  • –                         Disons que j’ai perdu un peu de temps. Vous n’allez pas me croire, mais quelqu’un avait glissé un fromage puant et bien coulant dans mon sac…

À l’évocation du vieux camembert, mes imbéciles de frères se congratulèrent mutuellement. J’étais à deux doigts de m’énerver, mais l’heure

n’était    pas . aux              .règlements               de

comptes  et Je remis  ma               ri.poste a

plus tard. La vengeance est un plat qui se mange froid, et rira bien qui rira le dernier.

Pour détendre l’atmosphère, je leur racontai mes mésaventures,  la honte infligée par maman, la drôle d’impression en arrivant au domaine, le conflit avec Maurice et la punition qui en avait découlé.

  • Tu veux dire que cet endroit bizarre où on se trouve, c’est là où tu es en classe verte ? dit Charly, qui s’était radouci.
  • –                       Exactement !
  • On peut peut-être jouer un tour au méchant qui t’a puni ? proposa Éliot.

Charly éclata de rire.

  • Si tu veux aller te mesurer à cette créature, je t’en prie ! Mais vas-y doucement, le minus !
  • Qui est-ce que tu traites de minus ? Tu veux que j’utilise ma poudre magique ?
  • Si tu veux, mais je doute que ta poudre de perlimpinpin puisse me faire quelque chose !

J’intervins. Il fallait d’urgence recadrer ce petit monde. Nous avions déjà perdu assez de temps.

-SUFFIT!

Je pris la tête de la marche, boussole lumineuse en main.

Bientôt, le silence de la nuit fut troublé par des bruits provenant d’arbres dont le sommet  était agité de violents mouvements.

  • Ce n’est  pas le bruit du vent

dans   les   arbres,    ça   !            EH,  Éliot,

lâche-moi le bras !

Charly n’avait pas tort. De petits cris stridents s’étaient ajoutés aux bruissements                   qui               se rapprochaient.    Je              dirigeai       le faisceau lumineux de ma boussole vers le          haut   de       la            futaie.         Nous eûmes juste le temps d’apercevoir d’énormes  yeux           paniqués    avant de nous retrouver fesses par terre.

Groggy, je peinai à me redresser.

WAOUH, qu’il est mignon, ce singe miniature. Je peux le garder, Léa?

Comme un papa qui berce son poupon,                          Éliot balançait délicatement un petit animal aux yeux ronds, gigantesques et globuleux.

  • HA, HA, HA I Ça chatouille ! OUILLE

1 OUILLE I OUILLE 1

Gesticulant et se tortillant de rire, Charly sortit de dessous son sweat la même minuscule bête à fourrure, qui émettait des petits

cris de contentement. Je réalisai alors qu’un autre de ces petits êtres farceurs m’imitait en singeant ma posture de chef.

Mais c’est quoi, ces petits primates ? demanda Charly entre deux gloussements.

  • Des ouistitis ! fit Éliot.

Il fallait quand même que je rectifie :

  • Eh bien, Éliot, le tarsier que tu dorlotes est considéré comme le plus petit primate du monde.

Merci,                          monsieur                          l’intello, reprit Charly, l’animal sur la tête.

-Je parle à Éliot ! Si tu ne veux pas être plus instruit, c’est ton problème, mais laisse au moins sa chance à notre benjamin !

Mon petit frère étant tout ouïe, je continuai et ajoutai que ces adorables peluches étaient omnivores, c’est-à-dire qu’elles mangeaient de tout.

CLAP,CLAP,CLAP,CLAPI

Celui qui semblait en être le chef approuva mes dires en tapant dans ses pattes.

Pas mal, ajouta-t-il, tu en connais un bon bout sur notre espèce, c’est assez rare !

Ainsi, il parlait parfaitement. Ah, il me plaisait bien, cet animal ! Je m’agenouillai pour l’observer de plus près, quand un caillou effleura mon oreille. Je pestai :

AI!   Charly,   ce       n’est             pas

marrant    !   Tu  aurais                 pu      blesser quelqu’un avec ça !

Mon frère n’eut pas le temps de protester : une volée de projectiles s’abattit sur nous. Le groupe des tarsiers braillait et tentait de se servir de nos corps comme boucliers. C’était donc ça que les petites bêtes fuyaient !

Quand   je  pense               qu’on               m’a

encore accusé… OUILLE !

Charly avais reçu une pierre en plein front. Ses lunettes valsèrent et atterrirent sur la tête d’un des lémuriens.

‘  

Regardez, là, il y a quelqu’un

Je   venais    de       reconnaître   la

petite    silhouette    qui    avait fui devant moi quelques instants plus

tôt. Elle s’était à nouveau carapatée, mais c’était sans compter sur notre détermination. Aidés de nos nouveaux amis, désireux de se venger, nous prîmes en chasse ce drôle de petit être.

La chance fut de notre côté : le fuyard se prit les pieds dans une souche et s’étala de tout son long dans un tapis de feuilles. Charly s’approcha en se remontant les manches. Une belle bosse, de la taille d’un œuf de pigeon, ornait son front.

Tu  vas   voir   ce  que       tu     vas

voi•

r…

Ce n’est  pas  gentil  de      faire

ma.l

aux animaux,  renchérit                          Éliot,

,

arrive a son tour.

I

HE, répète un peu… je ne suis pas un animal ! protesta Charly.

Laissant mes deux frères régler leur différend, j’observai celui que nous avions poursuivi. C’était un enfant étrange, mais qui avait un

je-ne-sais-quoi     de                     familier.         A’ l’évidence,  nous                      étions dans  son re » ve.

–    On se connaît ? lui     demandai-

J• e.

Sale,  les   cheveux           hirsutes,          ce

petit bougre n’avait que la peau sur les os. Il ne disait mot, mais son regard perçant trahissait sa détermination. Un sac en jute était accroché dans son dos. C’est alors qu’il en sortit  un  bruit  que nous

reconnu » mes auss1.to » t.

  • MIAOU ! Au secours ! MIAOUUUUU !
  • Simba ! Simba est dans ce sac

! hurla Éliot.

Nous bondîmes tous les trois sur le petit garçon, mais il était d’une étonnante agilité. Il nous jeta une poignée de feuilles mortes à la figure et profita de l’occasion pour nous filer sous le nez, disparaissant dans la nature, comme volatilisé.

  • Tu  es  certain          que c’était          le miaulement  de notre          chat, Éliot             ?
fit Charly en repoussant le petit tarsier qui cherchait des poux dans ses cheveux.

Éliot fut formel:

  • Plus que sûr. Je reconnaîtrais sa voix entre mille.

Le tarsier en chef prit la parole et nous avisa du sort qu’allait sans doute subir notre matou. Être entre les griffes de ce petit sauvage ne présageait rien de bon. Apparemment, l’enfant capturait les animaux et ne laissait guère de chances à ceux qui voulaient lui résister !

Nous n’avions plus qu’une chose à faire : le retrouver et libérer notre chat. Je pressai notre petite troupe. Il fallait nous mettre en route, nous avions déjà perdu

,       .               .  

be.au.coup de temps. Question m1ss1on, nous en et1ons au point

zéro, il était grand temps de se bouger.

• •

•  

.• ..-,..,  T  •         ,.

Pendant que je marchais, beaucoup de questions se bousculaient dans ma tête. Pourquoi étions-nous dans le rêve de ce petit garçon ? Comment et pourquoi avait-il capturé Simba ? Surtout, comment se faisait-il que nous n’eussions pas encore aperçu la vilaine hyène balafrée, l’horrible sorcier Darmoun ?

Une douce mélodie résonna à nos oreilles et me tira de mes réflexions. Les trois tarsiers qui nous accompagnaient – et que nous avions rebaptisés Pois-

Chiche,      Punky     et  Patate coururent       aussitôt      dans      la direction        d’où             venait         la chansonnette.   Assise          en tailleur, une         jolie  demoiselle          tressait     des feuilles     de     palmier    pour     se confectionner    sans             doute     une housse  pour  son         portable   ou tout autre     accessoire    de    mode  en vogue dans cette jungle.

Attendrie  par  les                       petites                       bêtes, la jeune fille s’adressa à nous.

Ils   sont                 mignons,             ils vous accompagnent ?

Oui, oui, s’empressa de répondre Éliot. Lui, c’est Pois­ Chiche. Il adore quand on gratouille son petit bedon, comme ça, mais je crois qu’il a un peu faim, comme moi…

Et celui-ci, comment s’appelle-t-il ? demanda-t-elle en attrapant le plus rieur.

Punky.  Il  est            drôle   avec    sa crête   sur   la   tête,   un   vrai petit

clown,      répondit                  Charly                  en recoiffant l’animal en question.

Sans attendre qu’on me donne la parole, je me permis d’expliquer à cette charmante créature le pourquoi du comment de notre rencontre avec ces tarsiers, en particulier notre arrivée dans ce rêve qui pour l’instant n’avait ni queue ni tête. Mécontent d’avoir été évincé, Patate me mordit la jambe pour m’obliger à faire les présentations d’usage.

Mademoiselle, je vous présente monsieur Patate. Moi­ même, je m’appelle Léo.

Mon interlocutrice se présenta à son tour. Elle se nommait Liana et ne comprenait pas ce qu’on venait faire dans ce prétendu rêve commun. Cependant, d’après le tableau que nous lui fîmes du garçon sauvage, elle nous avoua le connaître, ce qui me conforta

dans  mon  idée  de          départ        :          nous étions bien dans son rêve à lui.
  • Moi, j’dirais plutôt dans son cauchemar, reprit Charly.

Ne vous forgez pas une mauvaise opinion de Mounrad (c’était le nom du jeune sauvageon) sans le connaître. Si vous le permettez, je vais vous conduire à lui et vous  pourrez ainsi tirer cette histoire au clair. Il traîne souvent dans  un endroit pas très loin d’ici.

C’était         une                       excellente proposition, mais nous ne pouvi• ons emmener avec nous nos trois peluches aux gros yeux. Pour eux, l’aventure s’arrêtait là :  il était hors de question de leur faire courir le risque d’être aux prises avec ce voleur d’animaux. Nous étions tous trois déçus, mais peut­ être nos chemins auraient-ils l’occasion de se recroiser, qui sait

?•

Liana, habituée à côtoyer la végétation inextricable de la jungle, marchait en tête. Ses longs cheveux couleur charbon lui descendaient jusqu’au milieu du dos. Plus nous avancions, plus la chaleur se faisait suffocante et plus l’humidité nous prenait à la gorge. Le pauvre Charly avait ses verres de lunettes couverts de milliers de gouttelettes.

Liana marqua une pause.

  • Tiens, c’est étrange, dit-elle, ce marécage n’existait pas auparavant, j’en mettrais ma

ma.in a couper.

Devant nous, une immense zone boueuse nous barrait le passage. Il ne fallait pas chercher  plus loin, ce devait être Darmoun qui

commença.it ‘a nous nu.ire.

  • Ce n’est pas grave, Lili, on n’a gu’à  passer  ailleurs,  répondit Eliot.

Je trouvai que mon petit frère prenait quand même beaucoup de

libertés: malgré toute la confiance que Liana nous inspirait, l’appeler Lili… il y allait un peu fort… Mais elle ne semblait pas avoir relevé cette familiarité.

Impossible,  il  n’y  a  que ce passage, dit-elle, abattue.

Charly proposa de se servir des lianes pour se projeter de l’autre côté, comme Tarzan. Je ne laissai pas le temps à notre amie de répondre:

  • Les lianes ne seront jamais assez longues, Charly. Je pencherais plus pour la traversée sur tronc d’arbre. Les embarcations faites maison, c’est ma spécialité.

Si tous furent d’accord avec ma proposition, personne ne leva le moindre petit doigt pour m’aider. Charly prétexta un manque de visibilité à cause du brouillard qui tapissait les verres de ses lunettes, Éliot boudait dans son coin car personne n’avait voulu écouter

son idée << génialissime >> et, en gentleman qui se respecte, je défendis à Liana de porter le moindre tronc.

C’est donc dans la solitude la plus complète que j’élaborai un radeau de fortune à l’aide de troncs, de branches et  autres bouts de liane qui jonchaient le sol.

  • Aidez-moi quand même à le mettre à l’eau, leur demandai-je quand j’eus terminé.

Et c’est avec un profond désarroi, sous l’œil amusé de mes deux frères, que je vis mon embarcation couler à pic…

Éliot ne perdit pas une seconde. Tout en agitant fièrement sous notre nez la bourse  qu’il  portait en bandoulière, il s’écria :

Bon,  je  peux   la   dire, mon idée, maintenant ?

Sans même attendre mon consentement, il plongea ses petits doigts dans la sacoche et nous

saupoudra de granulés pailletés. Des        boules                    cotonneuses apparurent sous nos pieds.

WAOUH, je vole ! cria Charly, qui décolla le premier.

Lui qui a tout le temps la tête dans les nuages, ça ne devait pas trop le changer…

Comme quatre petits anges, nous survolâmes le  marais boueux sans aucune difficulté. Celui qui nous avait joué ce petit coup tordu devait enrager de nous voir ainsi surmonter l’obstacle.

À peine avions-nous reposé le pied sur le sol que nous dûmes faire face aux récriminations d’Éliot, outré de n’avoir  pas encore reçu les remerciements et

félicitations      d’usage.      Je    fus stupéfait   (et,  je         l’avoue,      un        peu envieux) de voir Liana déposer un gros  baiser  sur   la         joue   du petit blondinet, à présent rouge tomate. Un peu plus loin, notre route se fit   plus   raide   et       plus   abrupte.

Pendant notre ascension, notre amie, compatissante, prit la défense de Mounrad.

  • Tout ce que je sais, c’est qu’il a toujours été très gentil avec moi.
  • Eh bien, pas avec notre chat, lui répondit Charly d’un ton hargneux.

Ce doit être une erreur, répliqua-t-elle. D’après ce qu’on dit, il n’a pas de famille, il a été abandonné lorsqu’il était bébé. Ne pas avoir de famille, c’est drôlement triste.

  • Ce n’est par pour ça qu’il doit nuire à celle des autres, reprit Charly avec décidément beaucoup de répartie.

Il   est   toujours               seul et               n’a aucun ami• .

  • Pas étonnant, s’il les accueille avec des jets de pierres !

Je m’interposai pour apaiser le débat.

.  
,  

Dis donc, Charly, tu es bien remonte contre ce Jeune garçon…

On ne touche pas à ma famille, c’est comme ça. Simba, c’est comme un frère pour moi.

Je le reconnaissais bien là : loyal et droit !

Soudain, à quelques pas de  nous, un claquement sec se fit entendre.             Nous                             nous approchâmes sur la pointe des pieds et, d’un revers de la main, j’écartai les fougères géantes afin de voir ce qui se passait. Mounrad ne nous avait pas vus. Accroupi, il récoltait son butin : un lapereau, qui venait de se faire prendre au piège. D’un geste ferme, je retins mes compagnons, qui voulaient intervenir. Le jeune garçon n’avait plus sur lui le sac en jute qui contenait notre chat. Rusé, je pensais qu’il valait mieux le suivre sans se faire repérer et le débusquer dans sa tanière, où devait être détenu Simba.

Tandis que j’échafaudais mon plan, le jeune chasseur prononça

des incantations dans une langue très bizarre. Aussitôt, l’effet magique se produisit et, sous nos yeux ahuris, le lapereau devint un lièvre géant à la musculature impressionnante. L’enfant prit place sur son dos. Quelques bonds plus tard, ils avaient disparu.

Je me tournai vers Liana. Je respectais beaucoup notre jeune amie, mais je ne pus m’empêcher de lui dire ce que je pensais :

  • Je suppose que tu as changé d’avis sur ce pauvre garçon abandonné de tous ?

Liana me regarda avec des yeux ronds.

Mais…  tout   le                       monde                       sait faire ça, ici !

C’est ainsi que nous apprîmes que, dans ce rêve, les lapins pouvaient                            devenir                            des superlapins, des <<  rabeefys  >>. Cette espèce pouvait muter sans problème quand on connaissait la formule. Nous nous mîmes donc

en quête d’en dégotter quatre, afin de réaliser la manœuvre et de pouvoir ainsi avancer sans trop se fatiguer, au grand bonheur de Charly.

  • WAOUH, des superlapins ! Rira bien qui rira le  dernier,  petit sauvage, HA, HA, HA, HAI ricanait-il.

Sans trop de difficultés, Liana nous trouva des lapins angoras. Elle récita le sortilège et pouf ! chacun de nous se retrouva pourvu d’une monture hors du commun.

  • Je ne sais pas si c’est une bonne idée, ça… gémit Éli, soudain craintif. Il a l’air nerveux, le mien… Et puis, comme dans notre rêve je suis aussi rapide qu’un guépard, je vais vous suivre en courant.

C’est vrai qu’au premier abord, le rabeefy de notre petit  frère avait l’air d’être monté sur ressorts, mais c’était assez normal

:   il   venait   quand    même         d’être multiplié par six!

  • Allez,  fais  pas  ta chochotte,

Éliot ! Pense à Simba… AAAAATCHOUM

1 lui conseilla Charly qui, pour sa part, se cramponnait déjà aux oreilles de son mangeur  de carottes.

Écoutant les conseils de Liana, je m’accrochai pour ma part à la fourrure douce et blanche de mon lapin géant.

-Attendez-ma … AAAAAAATCHOUM 1 Mon   sang   ne   fit           qu’un  tour quand   j’aperçus   la            tête     qu’avait Charly.     Il      était               entièrement boursouflé,  des            oreilles  jusqu’au

bout du nez…

  • Descend          immédiatement          de ce lapin, Charly, lui ordonnai-je.
  • Pfff, il faut  savoir  ce que   tu

veux, Léa… A… AAA… AAAAATCHOUM 1

Le    malheureux             faisait             une énorme allergie.

  • Descend, je te dis ! Tu verrais ta tête : tu ressembles à Punky, ton

ami tarsier !

Un ultime éternuement le désarçonna de sa monture. Liana lui appliqua rapidement sur la figure quelques feuilles d’une plante inconnue ramassée au pied d’un arbre. Ce petit contretemps nous avait fait oublier Éliot et son lapin frénétique, et nous fûmes rappelés à l’ordre par les cris de frayeur de notre benjamin. Il était totalement vert et sa monture semblait incontrôlable.

Décidément quand ce n’est pas l’un, c’est l’autre. Je me demandai ce que j’avais fait pour  mériter ça…

Laissant donc Charly et ses yeux

de grenouille aux bons soins de Liana la guérisseuse, je me lançai à cœur vaillant au secours du plus petit. Notre amie, qui connaissait bien les lieux, eut le temps de me crier un avertissement:

  • Attention, il se dirige droit vers le précipice !

Ma monture avait beau m’obéir au doigt et à l’œil et bondir comme un kangourou dopé, je devais me rendre à l’évidence : celle d’Éliot avait une sacrée avance.

.  .               .  
,  

Je mis mes méninges en action et j’eus alors un réflexe qui sauva, une fois de plus, mon frère en danger. J’empoignai le sablier qui pendait à mon cou et je le lançai comme des bolas1 dans les pattes de l’animal. Sa course fut stoppée net : les pattes entravées, il chuta lourdement sur le sol. Éliot se prec1p1ta vers moi.

-SNIF, SNIF, j’ai eu si peur !

  • Je dois avouer que moi aussi, fis-je, soulagé de voir que nous nous en étions sortis à si bon compte.

Force est de constater que je l’aimais bien, mon petit frère.

Remis de nos émotions, nous reprîmes notre route, à pied cette

.  
,  

fois,  les  rabeefys  ne         nous         ayant pas reuss1.

Un peu plus tard, alors que nous empruntions un chemin parsemé de fleurs des champs, une carriole sans cheval arriva à  notre hauteur. Intrigué, je ne pus m’empêcher de poser la question à notre compagne de rêve :

Hum,             normalement,             il             ne

devrait  pas y avoir     un              cheval          qui tire cette charrette ?

Pourquoi ? C’est un char ! C’est comme ça, ici ! Pourquoi est­ ce qu’un animal devrait tirer quoi que ce soit ? Ça avance tout seul, et puis voilà.

Bon, je n’allais pas chercher à comprendre. Il fallait faire vite et, le sablier s’étant brisé lorsque je l’avais lancé, nous n’avions aucune idée du temps qui nous restait. Nous embarquâmes donc dans le chariot sans attelage. Ce n’était pas très confortable, mais

ça   roulait.   Enfin,   sur quelques m’etres…

Pourquoi     il                    s’arrête                    ?

demanda Éliot, angoissé.

  • Il y a un arrêt de char, là. Vous ne l’avez donc pas vu ? fit Liana en haussant les épaules, comme si c’était évident.
  • C’est pas  pour  dire, mais  il

n’y a personne à l’arrêt !

À peine Charly avait-il prononcé ces mots u’il fut bousculé violemment. A première vue,  il n’y avait personne, mais, petit à petit, un troupeau de volailles apparut à nos côtés. Nous dûmes nous serrer comme des sardines. Un coq à la crête bouclée s’adressa à Charly:

Monsieur,                  pourriez-vous

vous serrer un peu afin de faire de la place à ma femme, Coquillette ? Y    a     de  la           place   ailleurs, bougonna     mon     frère,   qui ne

voulait pas bouger.

Le coq insista :

La pauvre a le mal des transports et ne supporte pas de se retrouver à l’arrière.

  • Moi aussi, intervint Éliot, j’ai le mal des transports. D’ailleurs, un jour, sur le ferry-boat…

Je l’arrêtai net :

Ça va, Éliot, ne rentre pas dans les détails. Reculons pour laisser place à la famille Poulailler.

Le volatile me reprit sur                                        un ton

1•  ron1•    que:

  • Pff… La famille Poulailler a déménagé l’an passé. Nous, nous sommes la famille Coq. Je m’appelle Coq-au-Vin, voici ma fille, Coquette, et mes jumeaux, Coquetier et Coq-en-Pâte.

À ce moment-là,  Charly proposa

Si    vous        permettez,        j’en

connais une bonne sur les coqs.

J’étais plutôt inquiet. Les blagues de mes frères ne faisaient en général rire qu’eux. J’eus beau

faire << non >> de la tête, Chacha se lança:

  • Quel est le comble d’un coq ?

Éliot cassa l’effet en répondant :

‘  

C’est d’avoir la chair de poule

À ma  grande  surprise,            les         rires

éclatèrent. Même Liana s’y était mise, me glissant entre deux hoquets:

J’adore   tes                          frères,           ils sont géniaux!

  • Pas mal ! renchérit Coq-au­ Vin. Moi aussi, je suis un sacré humoriste d’ailleurs. Eh, toi, avec tes lunettes…
  • On m’appelle Super-Charly…

Eh   bien,                   Super-Charly,      tu devrais manger des carottes.

  • Des carottes? BEURK I Pourquoi devrais-je manger des carottes?
  • C’est bon pour la vue. Tu as déjà vu un lapin avec des lunettes

? Hl, Hl, HI 1

C’est dans cette joyeuse humeur que nous fîmes connaissance avec

la basse-cour.

  • Allez, tous ensemble, entonna Coquillette. Une  poule  sur  un mur … Qui picore du pain dur… Picoti…

Enchantés, Charly et Éliot se balançaient bras dessus, bras dessous avec nos compagnons de voyage.

Soudain,                                l’auto-charrette s’arrêta si violemment que nous chutâmes tous les uns sur les autres. En me relevant, j’aperçus Mounrad, qui avait traversé le chemin sans même se soucier de

nous,     trop     occup,e     ‘a              tenter

d’attraper un oisillon épouvanté. Aussitôt, je prévins mes compagnons :

  • Vite ! Descendons ! Il a le sac de jute, Simba doit être dedans !

La famille Coq eut tout juste le temps de nous adresser ses vœux de réussite. Nous nous éloignâmes sous des cris d’encouragement :

COCORIIIIIIICOOOOOO… COCORIIIIICOOOOO…

Liana prit la tête de notre petite

troupe et s’éloigna loin devant. Je comprenais aisément qu’elle voulait parlementer avec ce drôle d’enfant, qu’elle ne voyait pas du même œil que nous. Je ne doutais pas cependant qu’elle se rendrait très vite à l’évidence.

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

1. Bolas : sorte de lasso terminé par des boules de pierre, utilisé en Amérique du Sud et permettant de capturer les animaux en entravant leurs pattes.

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.• ..-,.., T  •         ,.

  • Liana ! LIANA I LIANAAAA 1

Personne à l’horizon. Aucun cri, aucun autre bruit que les coassements des grenouilles et les stridulations d’une multitude d’insectes. Il fallait se rendre à l’évidence : notre amie avait disparu. Éliot se traînait.

  • J’ai faim, moi… J’en ai marre !

Depuis le  début  du  rêve,                  je ne   dis

ri•  en pour ne pas eA    tre encore trai• te,

d’estomac  sur   pattes,                    mais             là,                    je

n’en peux plus : j’ai FAIM 1

Et  il  râlait  :          pourquoi  n’avait-il dévoré    QUE    trois         assiettes de

cassoulet avant  d’aller se coucher

?•

Tu sais quoi, petit frère préféré ? Je vais souffler dans ma corne de brume et demander à la fée des songes qu’elle t’apporte un mégatriple hamburger double sauce au fromage et une portion de frites XXL. Ça te va?

‘  

Oh oui ! Merci, merci, Charly

  • Ah,  c’est  beau l’innocence…

HA, HA! Gros bleu, tu m’as cru. Trop fort ! Léo, tu                    as vu, il m’a                 cru                 !

Mais Éliot ne comptait pas se laisser faire. L’eau lui était montée à la bouche… Il devint rouge de colère et, d’un coup d’un seul, il se jeta sur le mollet de Charly pour y enfoncer ses crocs. C’est vous dire s’il avait vraiment faim ! Je laissai passer l’orage… Par expérience, je savais qu’il valait mieux ne pas s’interposer : à chaque fois que j’avais voulu jouer les arbitres, je m’étais retrouvé avec les deux

gaillards sur le dos. Très peu pour moi ! Je trouvai une diversion :
  • Oh ! regardez, les gars ! Des colibris…

Au-dessus de nos têtes se trouvait un essaim de ces oiseaux minuscules. Leurs battements d’ailes ultrarapides leur permettaient de faire du sur­ place. J’étais émerveillé.

J’ai déjà vu plein de documentaires sur les oiseaux­ mouches. Certains disent qu’ils peuvent même révéler des secrets, mais ça, ce n’est pas scientifiquement prouvé !

Aussitôt, d’un mouvement vif, l’un d’entre eux vint poser son long bec fin sur ma main. Instantanément, comme un flash, je vis précisément l’endroit où se trouvait Simba, enfermé dans une cage parmi d’autres animaux.

J’avais à peine retrouvé mes esprits que je décidai de prendre les choses en main. J’étais, dans

notre    re »ve,    rus,e    comme    un renard. Eh bien, j’allais  montrer de quoi j’étais capable.

Allez, en route, je sais où trouver Simba.

  • On n’attend pas Liana ?
  • Non, Éliot. On ne la connaît pas plus que ça, et rappelez-vous ce que dit maman : on ne donne pas sa confiance comme ça à n’importe qui.

La confiance, ça se mérite, reprirent mes frères en chœur, le sourire aux lèvres.

Je m’aperçus alors que les colibris avaient disparu. Avaient­ ils vraiment été là ? Je savais qu’il me fallait suivre mon instinct et que je choisirais la bonne direction, c’est donc avec beaucoup de détermination que je me mis en chemin et que nous nous dirigeâmes droit sur une petite cabane de fortune, assez semblable à celle dans laquelle

j’avais  été  relégué              avec               ce cher Maurice.

  • C’est là, murmurai-je.

La cahute était  plantée  au milieu de nulle part. L’endroit n’était guère accueillant. Ici, il n’y avait pas de paillasson indiquant << Bienvenue >> ni de jardinières remplies de géraniums.

  • Je  vous  attends   ici, déclara

Éliot. J’ai le  ventre   qui gargouille trop,   je  risquerais   de  nous faire

rep, erer.

Je dis à mon tour:

  • Hum, je ne sais pas si c’est vraiment nécessaire d’y entrer tous les trois. Si tu y vas, Charly, ça suffira. Après tout, c’est toi qui es courageux comme un lion.

Mon frère me toisa.

  • Dis donc, Léa, tu aurais un petit peu peur que ça ne m’étonnerait pas !

Pfff, pas du tout ! Où allait-il chercher de telles idées ? Ça allait de soi que je ne pouvais pas

laisser Éliot tout seul. Charly exhiba un sourire en coin qui en disait long. Pour pallier tous les quolibets qui, j’en étais sûr, fusaient déjà dans sa tête, j’entraînais notre benjamin.

Allez,  Éliot.  On   y             va        tous

ensemble!

,  

Charly en tête, nous pénétrâmes dans le rebutant cabanon. D’une main, je tenais la boussole­ lumière-réchaud et, de l’autre, la main tremblante de mon petit frère.

Etrange,   souffla                  Charly,  ça

avait       l’air       tout       petit de l’extérieur…

Effectivement, de dehors, il paraissait n’y avoir qu’une seule pièce. À l’intérieur, c’était une autre histoire. Une succession de couloirs et de pièces. On avait du mal à s’y retrouver. Un vrai dédale ! Et Charly, censé nous guider, avait un zéro pointé question                    orientation…

Discrètement, je cherchai sur ma boussole la bonne direction et je pris naturellement la tête des opérations. Bien sûr, Charly s’en offusqua, mais ce fut vite oublié quand nous parvînmes dans la pièce où était enfermé notre matou.

-SIMBAI

Éliot se jeta sur la cage de fortune et délivra notre chat, dont les yeux d’enfant brillaient de reconnai• ssance.

Oh,   Punky   !                     cria                   soudain Charly. Qu’est-ce que tu fais là?

Les tarsiers, capturés par le fameux Mounrad, partageaient un même clapier. Mon frère les libéra, ainsi que les dizaines d’autres animaux retenus contre leur gré.

  • Mais qu’est-ce qu’il a en tête, ce Mounrad ? fit Éliot en serrant Pois-Chiche contre son cœur.

Sortons                                      d’ici,                                                                      les Aventurêveurs,                                  nous                               pressa

Simba. Il y a des choses que                                       je dois vous apprendre.

En sortant de la demeure du méchant, nous évitâmes de justesse d’entrer en collision avec Liana. Elle se tenait le côté,

haletante, comme à bout de souffle.

–   FFFF… c’est… FFFF… affreux   ! FFF…  il   s’est    passé…    FFF… une chose…

–    Ce qui  est  affreux,     répliquai­

je durement, c’est que ton copain retenait prisonnier notre chat, ainsi que la moitié des animaux du coin.

Bon, je sais, j’y allais un peu fort avec elle, mais c’était mon rôle de recadrer les choses.

Je lui laissais quand même le bénéfice du doute et j’attendis qu’elle ait retrouvé un débit de paroles normal afin de lui laisser une chance de s’exprimer au sujet du geôlier.

Ce  pauvre       Mounrad,       c’est

vraiment affreux. Il venait de ramasser un oisillon qui avait chuté à mes pieds. Je vous assure, il ne lui voulait aucun mal…

Mais   oui,   c’est   ça, ajouta Charly.

Liana poursuivit sans relever :

  • Soudain, la mère de l’oiseau, une femelle vautour, a foncé sur nous toutes serres dehors. Elle pensait sans doute que Mounrad voulait s’emparer de son petit, mais, encore une fois, je vous dis que ce n’était pas le cas. Alors il s’est planté devant moi  pour éviter que je sois blessée. C’est lui qui a tout pris.
  • Qui a  pris  quoi  ? interrogea

Éli, très  attentif  à l’histoire…            et                à notre belle amie.

  • Une serre des plus acérées en plein visage. Il est complètement balafré !

Le regard de Charly croisa le mien. Nous venions de comprendre. Les pièces du puzzle s’emboîtaient les unes dans les autres. Certes, il restait des zones d’ombre, mais notre rêve allait nous permettre de combler les trous.

  • Quelle histoire !

Éliot, compatissant, tapotait l’épaule de Liana, en larmes. D’après ce qu’elle nous dit ensuite, le garçonnet, fou de colère, avait pris la fuite, hurlant à la vengeance.

En   chuchotant,    Charly       et                    moi

décidâmes de ne rien révéler à notre cadet. Il fallait le préserver. Pour une fois, mon frère était du même avis que moi. Comme quoi, sous ses airs de clown, il pouvait être sensible et réfléchi. Nous étions en train de mettre sur pied une fausse histoire qui lui permettrait de ne  rien soupçonner, quand soudain Éliot me tira par la manche.

I

  • HE I par ici, les frangins ! Je viens  de  penser  à  quelque   chose et je  vous  conseille  de  vous asseoir, ça décoiffe…

Un peu fébriles, nous nous exécutâmes, curieux de savoir ce qu’il allait nous révéler. Éliot poursuivit sur un ton professoral :

  • –                             Bien. Nous sommes dans le rêve, pour ne pas dire le cauchemar, de notre ennemi numéro un, à savoir Darmoun ou, si vous préférez, Mounrad à l’envers.

Charly et moi étions bouche bée, incapables de proférer une seule parole.

–    OUHOU I la terre !  clama   Éliot.
Mounrad,   ça fait Darmoun                à

l’envers, vous comprenez ou pas ? C’est qu’il grandit, ce petit, nous l’avions sous-estimé ! Liana, quant à elle, n’y comprenait rien. Elle ne parvenait      pas      à      faire  le rapprochement     entre    ce  jeune garçon  qu’elle  avait  en  pitié et le vil  sorcier   dont  nous  lui avions

fait un portrait peu flatteur.

Notre chat en profita pour nous donner quelques éléments supplémentaires.

Vous avez deviné, les garçons. Vous allez devoir être très prudents.

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

Y a un truc que je ne comprends toujours pas, lui demanda Éliot avec l’air d’un

i.nspecteur  qui. m’ene son enque,…te.

Pourquoi,  même                  jeune,                  Darmoun était-il méchant?

C’est ainsi que Simba – ou plutôt Yakou – nous conta le parcours de l’apprenti sorcier qui était la cause de tous nos maux.

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Il  y a   très très      longtemps, commença    Simba,           non    loin   de Wikiki,  un  nourrisson   fut  trouvé, posé à même  le sol         dans   la jungle hostile.    Il    semblait     avoir été abandonné.   Le   chef         du    village, poussé         par  son épouse,      fit le tour des hameaux alentour afin de trouver ses parents, qui devaient sans doute être morts d’inquiétude. Au grand dam de chacun, personne ne réclama l’en/ant. C’était à se demander s’il n’était pas tombé du ciel. La femme du chef de Wikiki, attendrie par ce

nouveau-né, persuada son mari de le garder. Après tout, cet enfant avait besoin d’un foyer, et la hutte familiale était bien assez grande.

Seulement voilà, à partir de l’arrivée de l’enfant dans le village, les malheurs s’enchaînèrent. Une pluie diluvienne s’abattit pendant des semaines, détruisant toutes les plantations destinées à nourrir les villageois. À peine ces derniers remis de la catastrophe, une épidémie inconnue rendit les bovins malades, puis, sans aucune raison, des huttes prirent spontanément feu, obligeant les habitants, qui avaient tout perdu, à reconstruire un peu plus loin.

Prières et incantations mystérieuses des sorciers et autres magiciennes ne firent rien et ne rassurèrent plus personne. C’est alors que le chef fit venir d’une contrée lointaine un mage qui était censé trouver une solution à tous les problèmes. Il avait, disait-on, un

pouvoir qui surpassait tous les autres, mais le prix à payer pour sa venue était proportionnel à sa réputation : énorme ! Il fut donc décidé que chaque villageois participerait à la venue du devin. Une collecte permit de réunir la somme demandée.

En vérité, le soi-disant mage qui allait régler tous leurs problèmes n’était qu’un charlatan, mais les habitants de Wikiki étaient tellement désemparés qu’ils étaient prêts à croire n’importe quel prophète de bazar.

À peine débarqué, le rusé magicien eut l’idée de questionner les enfants afin de trouver matière à exploiter encore un peu ces pauvres malheureux. Rapidement, il entendit parler de ce nourrisson trouvé et sauta sur l’occasion. Il déclara aux habitants, qui buvaient ses paroles, que l’âme de cet enfant était envahie par des forces sombres, qu’il était l’unique cause

de tous les maux et que l’éloigner du village était la seule solution. Les conséquences de ce mensonge allaient faire définitivement basculer la vie de Mounrad, mais pas seulement.

En pleine nuit, les hurlements de l’épouse du chef retentirent, des cris déchirants. On lui enlevait son fils adoptif pour l’éloigner à tout jamais. Rongée de chagrin, la pauvre s’enfuit et disparut sans donner de nouvelles. Sans doute avait-elle décidé de partir à la recherche de l’enfant.

L’escroc empocha le pactole et abandonna Mounrad tout aussi rapidement. Laissé pour compte dans la jungle, le petit garçon grandit seul comme un animal sauvage. Certains disent qu’une vieille sorcière l’aurait pris sous son aile, mais personne ne connaît vraiment la vérité.

C’est pour briser sa solitude qu’il se mit à capturer les animaux qu’il

rencontrait. Sans ami, sans famille, il trouvait un peu d’affection en leur compagnie. Il ny avait aucune mauvaise intention de sa  part. fuste de la maladresse.

Ce que Liana vient de vous raconter, cette balafre qui le marqua à vie, fut le déclenchement d’un processus infernal. À partir de ce moment, il fut entouré de mauvais esprits. Les âmes diaboliques l’accueillirent à bras ouverts, et lui qui n’avait jamais eu de famille s’en est ainsi trouvé une. Des gens qui ne le jugeaient pas !

C’est seulement la soif de vengeance qui le rendit aigri. Son esprit n’est nourri que par l’envie de dominer, d’être le maître suprême, celui qu’on doit respecter en toutes circonstances. Voici donc comment Mounrad est devenu le Darmoun que l’on connaît, dont l’objectif est de mettre le monde à sa botte. La rancune le poussa à revenir à Wikiki. La nuit du drame,

celle où j’ai été enfermé dans ce corps de chat, nous ne voulions pas lui faire du mal, mais simplement lui faire comprendre que la vie était belle et que vivre ensemble pouvait être possible. Mais, devenu manipulateur professionnel, il retournait les esprits les plus faibles pour en faire ses serviteurs.

Un piège lui fut donc tendu. Vous connaissez la suite. Hélas, ma curiosité m’a plongé dans cette aventure incroyable où la fiole contenant l’élixir magique est la seule chose qui puisse me sauver.

Yakou se tut. Il nous avait tout raconté. Une larme perlait à ses yeux. Décidément, je n’arrivais pas à m’habituer à ce regard d’enfant.

Quelque chose m’échappait.

– Mais pourquoi sommes-nous dans son rêve, ou plutôt son cauchemar, comme dirait Éliot ?

Sou venez-vous1,           j’ai                été aspergé par  une goutte du remède

libérateur dans notre dernier rêve collectif. Cela a eu pour effet de me rendre mes yeux d’enfant. Je crois que Darmoun a également été arrosé, et que ce rêve en est la

cons, equence.

Malgré la compassion que nous ressentions pour les souffrances qu’endurait notre ami, il nous fallait prendre sur nous  et élaborer une stratégie radicale. En rusé qui se respecte, je me dis que nous devions nous servir des faiblesses du sorcier  pour arriver à nos fins.

Liana balaya quelques larmes d’un revers de la main. Pour elle, c’était clair et net : le pauvre Mounrad avait un bon fond.

Ce n’est pas juste. C’est la bêtise humaine qui l’a rendu aigri. Je vous demande de me laisser lui parler. Il va m’écouter, j’en suis certaine.

Éliot n’était pas de cet avis.

Nous,     on     le connaît, Darmoun. C’est un vilain, un vrai.

Charly se tourna vers notre chat.

– Tiens, au fait, s’il s’appelait Mounrad, pourquoi a-t-il transfarmé son nom en Darmoun

? demanda-t-il judicieusement.

Il  a  bien  tenté              de se    faire appeler   Dark  Moun,               mais,     avec

son  accent  ‘a  couper  au        couteau,

c’était impossible ! Tout le monde le nomme Darmoun !

Je       comprenais beaucoup mi• eux…

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

1. Voir le tome 4 des Aventurêves, La                                        nuit P-Orte consei l.

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Simba nous annonça  qu’il devait nous laisser continuer l’aventure sans lui. Il nous quitta à regret mais, avant  de disparaître, il nous indiqua où se cachait la fiole qui pourrait le libérer. Elle se trouvait dans un vieux temple inca. Éliot, désespéré de devoir à nouveau perdre son chat adoré, s’affola:

–    Un cas, un  cas, un cas de quoi

? Je n’y comprends rien. Un cas d’urgence ? Un cas désespéré ? Un cataclysme ?

Quant à Liana, au contraire de Charly et d’Éliot, je m’en méfiais. Elle pouvait au dernier moment changer de camp et nous coiffer au poteau. Je décidai de garder un œil sur elle.

… Un casse-noisettes ? Un cassoulet ? Humm, un cactus ? continuait Éliot

Liana disait ne pas savoir où se trouvaient les ruines du temple, mais cela m’étonnait beaucoup : depuis le début de notre aventure, elle semblait bien connaître notre environnement.

  • … Un cacatoès ? Un caramel ?
  • Mais tais-toi, s’énerva Charly, sinon je t’en colle une !

Je vins à la rescousse de notre petit frère.

  • Hé, Charly, du calme ! Il suffit de lui expliquer, c’est tout. Tu n’as vraiment pas de patience !

J’enseignai donc à mon public en liesse que les Incas avaient été à la tête du plus grand empire

qu’ait connu le continent américain. Leurs temples, dédiés au soleil, qu’ils vénéraient comme un dieu, étaient d’immenses constructions de pierre à l’intérieur                        desquelles                             se déroulaient toutes sortes de cérémonies : rites religieux, sacrifices humains… C’est aussi là qu’étaient  conservées  les momies

! À ces mots, Éliot avait pâli tandis

que Charly pavoisait :

  • Et  comment  on         fait                  pour   la trouver, ton exposition de momies

?•

Il pouvait bien penser ce qu’il voulait, j’ai TOUJOURS la solution au problème.

  • J’ai  tout   ce  qu’il  faut pour trouver    le   site,          puisque    j’ai la boussole-lumière-réchaud inventée par papa juste pour moi.

Gnagnagnagnagna…                                  C’est bon, le dictionnaire ambulant !

  • Tu  dis ? Je  ne         t’entends       pas, mon p’tit Charly…
.                                .  
,                                                                                      ,   ,  

Même si c’est vrai qu’il n’était pas vraiment nécessaire de prec1ser que papa avait cree l’objet rien que pour moi, je tenais quand même à insister là-dessus. C’était un prototype, il n’était donc pas question de le mettre dans les mains de Charly, qui, avec sa maladresse coutumière, aurait pu le faire tomber, ni entre celles d’Éliot, d’ailleurs : il ne maîtrisait pas encore bien les points cardinaux…

Grâce      à      la                boussole, la

destination fut vite trouvée. Nous marchions depuis un bon moment quand nous nous  retrouvâmes nez à nez avec la pancarte complètement pourrie du domaine du Bois des Secrets.

  • Tiens, nous  revoilà au        point

de départ!

  • Ta classe verte se passe dans un endroit où il y a des momies et des temples d’Amérique ? fit Éliot, les yeux ronds.

Il    y    a                   forcément                   une explication, répondit Liana.

Charly prit un air détaché.

  • Ouais, l’explication, c’est que l’aiguille aimantée doit être perturbée par la chaleur que dégage la fonction lampe de poche. Papa aurait dû installer une paroi de protection thermique, c’est aussi simple que ça !

La    concurrence     était         rude,

j’avais du souci à me faire pour les

ann, ees a veni.r…

Je continuais cependant à penser que nous n’étions pas revenus au domaine par hasard et que la réponse à nos questions devait s’y trouver.

Le camp avait l’air désert. La petite voix d’Éliot troubla le silence.

  • Pour me faire plaisir, parce que c’est moi qui ai découvert qui était en réalité Mounrad, je vous
propose  d’aller   casser  la croûte. Bon, Léa, où est la cantine ?

Je n’eus pas le temps de répondre. Charly dit d’un air inquiet:

  • Je pense que j’ai sans doute des séquelles visuelles de mon allergie au poil de lapin, car j’ai l’impression que le sol est en mouvement.

J’avais aussi cette impression. Malheureusement, ma boussole lumineuse n’éclairait plus que par à-coups. C’est bien sûr dans ces moments-là que les nouvelles technologies nous lâchent. Liana s’accrocha à mon cou, prétextant qu’elle avait senti quelque chose bouger sous ses pieds. De stupéfaction, je heurtais le crâne d’Éliot avec ma lampe de poche. Comme par magie, celle-ci se mit à fonctionner, illuminant le sol et nous laissant découvrir une vision cauchemardesque.

  • –                       HAAAAAAAAAAA … des araignées ! hurla  notre  amie, toujours suspendue à moi.

Tel un tapis ondoyant, des milliers d’arachnides plus gros et plus velus les uns que les autres nous faisaient face.

Nous nous mîmes à reculer tous ensemble, quand Éliot fit

remarquer    que   nous  , et1. ons            a

présent encerclés par les mygales. La solution ne pouvait que venir du ciel. Un seul d’entre nous avait l’air de trouver la situation amusante. C’était Charly. Fan de tous les super-héros, il respectait les araignées, l’une d’elles ayant donné à un homme en collant rouge et bleu ses super-pouvoirs.

Terrorisés,      Liana      et Éliot s’agrippaient    à   moi, montaient

presque      sur       ma      te » te                 et

m’ordonnaient  d’une   voix suraiguë d’écraser  ces  <<  sales bêtes >>. Je tentai l’humour:

  • –                          Je suis pacifiste : je ne veux pas d’effusion de sang. Et puis… il y en a trop!

Charly se pencha pour admirer les bestioles.

Waouh, regardez-moi ces crochets venimeux ! C’est ma-gni­ fi-que !

Qu’est-ce qui peut nous arriver ? lui demanda Liana, dont la sandale m’écrabouillait l’oreille gauche.

  • Oh ! rien de méchant… Dans le pire des cas, elles mordent, immobilisent ainsi leurs proies et les dévorent, tout simplement.

Un BOUM I retentit tandis que les araignées progressaient de plus belle dans notre direction. C’était Liana qui venait de s’évanouir. La tension était trop forte pour elle.

Éliot me suppliait, tétanisé.

Réfléchis,  Léo,                             s’il                             te                             plaît, réfléchis vite !

Oui, Éliot, je réfléchis, je réfléchis… Charly ! Ta corne !

  • –                        Quoi ? fit l’intéressé. J’ai dit << crochets >>, je n’ai jamais parlé de corne.

Je hurlai, exaspéré :

Arrête   de   faire   l’idiot et souffle dans ta corne de brume !

Charly s’exécuta. La mélodie de la corne de brume, qui nous était devenue familière,  fit  apparaître la fée des songes, toujours aussi belle. Charly devait aussitôt formuler son vœu. Pris de court, il bafouilla:

  • Je veux… je veux… que ce parterre de mygales se transforme en tapis roulant, comme dans les

a, eroports.

Hum,  disons  que  ça           aurait   pu

être pire !

Sans même que nous ayons besoin de bouger un seul orteil, le sol nous permit d’avancer. Notre promenade était accompagnée d’une musique d’ambiance un peu ringarde, comme dans les ascenseurs ou les supermarchés.

Pour le coup, la fée aurait pu être un peu plus moderne.

Liana ouvrit un œil.

  • On  est  où  ? Les         my-my… les my-my…
  • T’inquiète   pas,         Lili,             il         n’y               a plus de mygales !

Éliot, qui avait repris de l’assurance, lui expliqua la manière dont il avait aidé Charly à nous sortir de ce mauvais pas et pourquoi le sol bougeait sous nos pieds. Évidemment, sa version fut romancée, et son rôle fortement exag,er,e.

Alors    qu’il    parlait,              le         tapis

roulant changea de sens et accéléra la cadence. Pour continuer à fuir les araignées, nous dûmes passer à un trottinement soutenu, puis au pas de course. Éli, le plus sportif de nous trois, continua à discuter sans aucune difficulté en dépit de l’effort à fournir.

  • –                           Ta corne de brume a eu un bug, Charly. C’est évident…
  • Un bug, PFFF, PFFF… t’en           as de bonnes,    toi   !   PFFF,       PFFF…    et les valises qui arrivent droit sur nous, c’est un bug, ça aussi?

Des malles de toutes les formes apparurent devant nos pieds, comme autant d’obstacles à surmonter. Un saut par-ci, un autre par-là. Comme dans les jeux vidéo, chaque défi relevé nous amenait au niveau supérieur, plus difficile et nécessitant plus de rapidité.

Je vis au loin la silhouette de Mounrad. Bien sûr, il était derrière tout ça ! Cela prouvait une chose : nous étions près du but et il voulait sans conteste nous mettre hors-jeu, << game over >>. En effet, notre situation était de plus en plus périlleuse.

  • Des boulets de feu, baissez la tête ! cria Éliot. Et attention sous vos pieds, il y a des pièges !
Le  petit           blond, bonne           longueur qui          avait d’avance, une nous
avertissait  des  dangers.                    Les deux maillons faibles de l’équipe (sur le
plan sportif) s’essoufflaient de plus en   plus. Le  fait   qu’ils ne    

disaient plus un mot ne présageait rien de bon. Je pressai Charly.

  • C’est toi le pro  des jeux vidéo

! Que ferais-tu si tu étais installé devant l’écran plasma du salon, la bouche pleine de chips et la manette à la main ?

.  
,  

PFF…  facile,      Léo, PFFF…        je tirerais    sur   le   fil,       PFFF…     qui      se trouve   au-dessus   de  ta  tête, PFFF… ce  qui     entraînerait,       PFFF, PFFF…   un mecan1sme…

Et voilà,  il suffisait  d’y penser     !

D’un seul élan, je mis les mots de Charly en pratique et stoppai ainsi le tapis devenu fou.

Dégoulinant    de           sueur       –           sauf Éliot, qui           était         resté  frais  et dispo

-, nous dûmes attendre un certain moment avant de récupérer. Nous

étions à l’intérieur du centre de vacances, devant une porte que je reconna1•ssa1• s.

C’est celle du dortoir des garçons. Allons voir ce qui s’y passe.

  • Y a pas moyen d’aller visiter le dortoir des filles ?

Notre copine se retourna vers Charly, lui adressant un regard noir qui en disait long. Éliot s’interposa :

  • Et la cantine ? On ne peut pas plutôt aller à la cantine ?

Je haussai  les  épaules. Décidément, il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre !

La lourde porte du dortoir grinça sur ses gonds rouillés. Un air glacial nous sauta au visage. À mieux y regarder, la chambrée immobile paraissait congelée. Les lits ressemblaient à des icebergs.

  • Baisse-toi, Léa !

Ouf ! Liana m’avait averti de justesse : un rayon de glace venait

de passer à un cheveu de ma tête.

  • Eh bien, il s’en est fallu de peu ! fis-je. Pas de problème pour toi, Éliot?

Pour toute réponse,  je n’entendis qu’un silence anormal. En me retournant, je compris que le faisceau de glace que j’avais évité avait dû ricocher et s’abattre sur mes cadets, à présent immobiles,                              comme                                en hibernation, les yeux grands ouverts.

  • Encole, dépéché-twa, allé… Darmoun     –             enfin,     Mounrad   –

ordonnait à l’un de ses sbires de poursuivre son assaut pour me changer à mon tour en esquimau glacé. Ce gredin à la face patibulaire, je le reconnus aussitôt

: c’était le garde du domaine, celui qui nous avait punis, Maurice et moi ! Son allure colossale était accrue par ses longs bras qui projetaient des missiles de glace. Son uniforme, en lambeaux,

donnait l’impression                                   qu’il était un mort-vivant.

Liana, qui avait échappé à la congélation instantanée, s’adressa au sorc•ier:

  • Arrête, Mounrad ! Ce jeu a assez duré. Ces pauvres petits ne vont pas s’en sortir.

Complètement                   paniquée, tentait                   de       l’attendrir d’épargner mes frères.

elle

afin

Le géant, lui, m’envoyait des regards à vous glacer le sang, c’est le cas de le dire. Ses assauts ne cessaient pas et, tout en essayant d’éviter le rayon fatal, je tentais de me concentrer sur le moyen de faire sortir mes frères de cette cryogénisation forcée.

Tou  va   l’awoir,         allé,                allé         !

encourageait Darmoun.

La cicatrice qui se distinguait à présent sur son visage lui donnait une apparence cruelle. Il arborait un ignoble rictus à chaque fois

que   le   faisceau          glacial          fonçait dans ma direction.

  • Pas cette fois-ci, Darmoun ! hurlai-je dans sa direction alors que j’étais une nouvelle fois visé.

D’un geste assuré, je tendis la boussole de papa et actionnai la fonction << réchaud >>. Le rayon gelé tomba en flaque d’eau sur le sol. Les flammèches qui sortaient encore de la boussole hybride firent fuir Darmoun et son sbire,  et me permirent surtout de décongeler mes deux glaçons préférés.

J’eus beaucoup de mal à contenir mon hilarité devant le tableau que formaient Charly et Éliot, grelottant, claquant des dents, le teint bleuté.

Je les houspillai gentiment :

  • Nous sommes sûrement près du but, sinon pourquoi freiner notre avancée ? Allez, reprenez­ vous, on n’en a vu d’autres quand même!

Mais Liana eut beau les frictionner vigoureusement, rien n’y fit.

  • Je rêve ou vous grelottez de plus en plus ?

À y regarder de près, ils n’étaient plus deux mais trois à trembloter.

C’est contagieux ou quoi ? Pourquoi est-ce que tu te mets à trembler, Liana ? Ça suffit, maintenant, il faut se bouger ! Et puis, ce n’est pas très poli de laisser votre bouche grande ouverte comme ça.

Mes piques ne déclenchant aucune réaction de leur part, je tentai d’utiliser la technique de maman quand Éliot reste bloqué devant le rayon des pâtisseries :

Puisque    c’est                comme ça, restez   là,    je   pars              sans vous…

HAAAAAAAAAAAAAAAAI

Je  m’étais  retourné   et     j’étais     à

pr,esent nez ‘a nez avec une troupe

de spectres flottant dans le dortoir

dégivré. Plus de corne de brume, plus de poudre de nuage ni même de boussole ou de sablier. Comment, avec l’équipe de bras cassés qui m’accompagnait, allais­ je pouvoir m’en sortir?
  • Bouh ! leur fis-je, sans trop de

conviction …

OK, je sais, c’est nul, mais je n’avais vu que deux possibilités : hurler << Bouh ! >> ou << Au secours, maman ! >>. Je n’avais rien trouvé d’autre. C’est épuisant d’être sans arrêt la personne sur qui tout le monde compte !

Cette  première           solution     n’eut

absolument aucun effet. Je lançai un coup d’œil vers mes

compagnons,    esp,  erant                         un                         peu

d’aide de leur part, mais je ne pus que constater qu’ils étaient paralysés de peur. Je pris alors une profonde inspiration et:

AU      SECOURS,

MAMAAAAAAANNNNNNNNNNNNN 1

  • –                       Le bébé à sa maman veut son doudou? Hl, Hl, HI 1

J’étais éberlué.

-Maurice?

Se frayant un chemin parmi les spectres, alignés bien sagement, Maurice fit son apparition, sourire aux lèvres. Mes  équipiers reprirent un peu de  couleur. Quant à moi, ma frayeur avait été si grande que je ne trouvai plus mes mots.

  • Mais… ces fant… ces fantô…

Oui,  Big  Bébé,                    ce    sont                    des fantômes.

Stupéfait, je vis l’un des esprits dérouler une sorte de trompe  et en donner un coup dans les côtes de Maurice. Celui-ci rectifia

auss1•

toA

t sa pre,

sentat1•  on :

Pardon    !    Ce                            sont,                            plus précisément, des Éléphantômes.

Comme soulagés par cette révélation, mes trois compères se détendirent et vinrent se mêler  à la conversation.

Charly commença à frimer :

  • Ah,  des         Éléphantômes         !       Pas de problème, alors. Ça va, les amis

?•

Éliot continua sur le même mode:

  • Depuis le temps que je rêve de vous rencontrer ! Quelle veine ‘• Waouh,    quand     je    vais raconter ça à mes copines, elles vont être vertes de jalousie,

WIIIIIIIIIII ! renchérit Liana.

Je n’y comprenais plus rien. Comme si mes frères avaient déjà entendu parler d’Éléphantômes ! Et pourtant, la manière dont chacun fit connaissance confirmait bien mes doutes. Je devais avoir loupé un épisode.

Ne fais pas cette tête, Léo. C’est normal que tu ne connaisses pas ces monstres sacrés ! Ce n’est pas de ton âge, Big Bébé.

-Toujours la tête plongée dans tes cahiers, et voilà le résultat !

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

A’             en      croire        Maurice            et

compagnie, la soif d’instruction était une tare, une anomalie, même. Je ne pouvais laisser dire une telle chose. Liana, diplomate, me donna quelque lumière sur le phénomène.

  • Ça fait des semaines que les Éléphantômes sont en haut des hit-parades interplanétaires. Ils ont raflé tous les trophées avec leur tube, Trop d’la bombe.

Encouragé par Maurice, qui effectuait des bruitages étranges avec sa bouche, le groupe entonna le fameux tube a capella. Liana se déhanchait à faire rougir Lady Gaga, et mes deux cornichons de frangins mimaient (mais avec un temps de retard) la chorégraphie exécutée par le groupe des fantômes-éléphants.

C’était, comment dire… spécial !

Dernière page du chapitre

• •

•  

.• ..-,..,  T  •         ,.

Quelle ambiance ! La rencontre fut inoubliable, et Maurice nous donna de précieuses indications pour la suite de notre aventure. Même si je détestais qu’il me nomme Big Bébé, je lui en fus très reconnaissant. D’après ses dires, pour arriver au temple inca, il nous fallait trouver le lion vert, qui seul connaissait le chemin d’accès. Il nous suffisait donc de mettre la main sur l’étrange animal, de le convaincre de nous donner l’information et l’affaire était dans le sac.

Nous    fîmes     nos             adieux   à

Maurice    et    à    s.es

,…

spectres    à

.  

trompe, et cont1nuames notre chemin. Éliot avait encore  les yeux brillants de notre petite

so1,ree.

Il doit bien s’amuser, ton copain Maurice, à faire la fête avec les Éléphantômes.

Maurice n’est pas mon copain. Mets-toi bien ça dans le crâne!

Charly ajouta son grain de sel :

  • C’est parce qu’il t’appelle Big Bébé ? Tu sais, il n’a pas vraiment tort. Tu ne connais pas Trop d’la bombe, mais je parie que tu sais chanter par cœur Au clair de la lune…

Merci pour tes commentaires, Charly, mais Big Bébé sait faire ses lacets, lui, au moi• ns.

  • Et toc ! conclut Éliot

Liana nous regardait, attendrie.

Quand je vous vois vous chamailler, je ne peux m’empêcher de penser à mes frères et à mes sœurs. On est tous pareils !
  • T’as combien de frères et de sœurs, Lili ? s’enquit Éliot.
  • Douze frères et neuf sœurs.

Nous stoppâmes net : c’était la première fois qu’on entendait parler d’une famille aussi nombreuse.

Contente que nous nous intéressions enfin à sa vie, notre amie nous énuméra les prénoms, âges et particularités de chacun de ses frères et sœurs. Cela eut pour effet de faire passer le temps assez vite. Déjà, nous arrivions devant le repère du lion vert.

  • Là, c’est sa tanière !
  • Et comment tu sais ça ? se moqua Charly, toujours vexé que j’eusse soulevé la question des lacets de chaussures. C’est écrit dans le dico de poche ?
  • –                        C’est que, simplement, je sais lire, moi.

En effet, une énorme enseigne lumineuse et clignotante indiquait

<< Ici, tanière du lion vert >> et, pour ceux qui avaient encore  des  doutes, des photos  de  l’animal dans différentes  postures défilaient sur grand écran.

Tiens, il y a un guichet à l’entrée. Peut-être est-ce un vendeur de churros, salivait Éliot qui, depuis le début du rêve, n’avait encore rien pu se mettre sous la dent.

Le guichet était un passage obligé pour rencontrer le  lion vert. Au comptoir, une magnifique lionne, maquillée, manucurée et permanentée, distribuait des tickets.

Je me postai devant elle et attendis poliment qu’elle s’adresse

‘a moi..

Je   prends    ma                  pause-café. Revenez dans quinze                minutes, les

enfants.

  • Avec tout le respect que je vous dois, nous devons voir le lion vert au plus vite. C’est très urgent.

Sans même me jeter un regard, elle se servit une tasse de café fumant et s’affala sur sa chaise à roulettes. Liana vint à mon secours en tentant de faire  jouer la solidarité féminine.

Vous avez vu mon beau diadème ? Je suis certaine qu’il irait très bien avec votre tailleur.

La lionne ne fit même pas un battement de cils. Les négociations n’allaient pas être faciles.

Éliot se lança à son tour, essayant de joindre l’utile à l’agréable.

  • Hum, il sent bon votre café, c’est de l’arabica ? Si je peux me permettre, en y ajoutant une pointe de cannelle…

Lassée d’être ainsi dérangée pendant sa récré, elle laissa

tomber un store devant la vitre, mettant un terme à toute forme de communication. Seul Charly

,

n’avait     pas     encore                 tente   sa

chance.

-Allez, essaye !

Sans    trop    de tapota sur la vitre.

TOC, TOC, TOC !

conviction,    il

Le store s’enroula à grande vitesse. Face à Charly, complètement ahuri, la lionne apparut, tout sourire, et lui fit les yeux doux en papillonnant des cils.

Mais   qu’est-ce                      qu’elle       a                      ? nous demanda-t-il, dubitatif.

D’une voix langoureuse, elle s’adressa à notre frère comme si elle allait lui décrocher la lune :

Que  puis-je                faire      pour toi, beau gosse?

Charly se tourna de nouveau vers nous, embarrassé.

Ce  n’est   pas                mon   genre       de fille…

Je saisis le malentendu au vol et tentai de le faire comprendre intelligemment à l’intéressé en le fixant d’un regard affûté.

  • Charly, c’est normal que cette dame en pince pour toi. Tu es courageux comme un lion.

-Et    alors?

Je répétai en insistant sur la dernière syllabe :

  • Tu  es  courageux comme                    un

LION!

  • Ben oui, et alors ?

Oh, là, là ! C’est du diesel, chez lui ! Bon, il va bien finir par démarrer… un, deux, tr…

-Ah    oui, j’ai compris !

Il se mit à jouer le jeu et déploya ses charmes félins afin de nous permettre d’entrer dans l’antre du lion vert. Il réussit rapidement, et bientôt la porte s’ouvrit ; la voie était libre. Nous dûmes cependant laisser Charly à l’entrée : il était, comment dire… coincé entre les griffes de la lionne amoureuse.

Affalé sur une méridienne en velours turquoise (ce qui n’allait pas du tout à son teint), le lion vert se peignait lascivement la

cr1. n1.’ ere.

  • Je sais pourquoi vous êtes là, dit-il à peine étions-nous entrés. Attendez, je vais vous montrer mon plus beau profil.

Imbu de sa personne, persuadé d’être le plus bel animal qui soit, le lion prit la pose en attendant le crépitement des flashs. Comme rien ne venait, il se vexa.

Si  vous  ne               désirez     pas    me prendre en photo, alors du balai !

Nous l’avions trouvé, pas question de filer comme ça.

  • C’est que, fis-je, nous aurions aimé avoir l’un de vos sages conseils.

Pour des conseils, prenez rendez-vous chez le docteur Girafreud. Il a son cabinet au croisement du cyprès à double tronc.

Il allait falloir parlementer finement, car la vanité de cet individu n’avait d’égal que son amour de lui-même. Liana et Éliot me faisaient signe d’accélérer. Le stress qu’ils m’infligeaient étant contre-productif, je les arrêtai :

  • Ça suffit, je ne suis pas un lion.

Soudain, défonçant la  porte d’un coup de genou, Charly débarqua dans la pièce comme un cheveu dans la soupe

  • Alors ? Ça commence à sentir mauvais avec la tigresse, enfin, la lionne. Elle a envoyé un SMS à toutes les copines de son répertoire. Résultat, un troupeau de lionnes est en train d’arriver pour voir le << beau gosse >>, à

savoir MOI I Vous m’avez                              mis dans un sale pétrin !

  • Qui ose se qualifier de beau gosse? rugit le lion.

Bredouillant,           je tentai d’expliquer la situation, mais des

cris aigus m’interrompirent. Une colonie de lionnes en liesse vint nous rejoindre dans la  tanière. Les groupies hystériques s’étaient scindées en deux groupes : les fans de Charly le lion et celles du lion vert.

  • Il  ne  peut  pas  y avoir deux

lions dans la même pièce.

  • Et un guépard, ajouta Éliot. Dans le rêve, ne l’oubliez pas, je suis un guépard, hein, Léo ?

Mais je n’étais pas d’humeur à m’attendrir : le ton qu’avait employé le lion vaniteux résonnait de défi, et je craignais le

pire. Je n’avais pas tort.

Je te provoque en duel, gronda le félin verdâtre. Le perdant devra s’exiler.

Mais non, ne vous donnez pas tout ce mal, s’empressa Charly tout en essayant de se débarrasser d’une lionne pendue à son cou. Je vous les laisse, toutes ces demoiselles ! Tout ce que l’on

veut, mes amis et moi, c’est savoir où se trouve le temple inca, c’est tout!

Ah,   tu    te                    débines,                    poule mouillée? demanda le lion.

Catastrophe ! Je connais mon frère. Il ne faut jamais jouer avec son orgueil. Là, ça allait péter. En effet, Charly était devenu aussi rouge que son adversaire était vert.

  • Poule mouillée ? Moi ? Tu vas voir ce que tu vas voir, monsieur vert caca d’oie.

Le lion invita mon frère à prendre place à une table, face à lui, et entama une partie de bataille. Très vite, je m’aperçus que les règles du jeu n’étaient pas respectées. Statistiquement, il était impossible que Charly ne retourne que les cartes les plus faibles tandis que, de l’autre côté, as, rois, dames et autres valets se succédaient pour emporter les cartes de mon frère.

  • –                            C’est de la triche ! s’indigna Charly dès qu’il se rendit compte de la tricherie.
  • Pas du tout ! bondit le lion, tous crocs dehors, je suis le plus fort!

De rage, Charly lança les quelques cartes qui lui restaient au visage de son adversaire.

Débarrasse le plancher ! ordonna le félin. Tu as perdu, tu pars. C’était le deal.

Nous fûmes tous littéralement poussés vers la sortie sans même avoir eu l’occasion d’implorer une quelconque clémence.

Qu’est-ce qu’on fait ? On y retourne ?  demanda  Liana  une fois que nous fûmes dehors.

  • Je ne crois pas que ce soit la peine, dis-je. Cet individu est vraiment très obtus, on n’arrivera à rien avec lui.

Assis sur un tas de rochers, nous réfléchissions à ce que nous allions bien pouvoir faire. Seul

Éliot gesticulait, donnant l’impression de ne plus savoir tenir en place.

Hé, Éliot, qu’est-ce qui se passe? Tu as envie de faire pipi?

  • Non, mais ça m’énerve !

C’était le sentiment général. Même Liana, qui était restée sereine jusqu’à maintenant, commençait à montrer des signes de crispation.

-Léa?

-Éliot?

  • Maurice,  il t’a         bien          dit << lion vert>>?

Lion vert, lion vert… Oui, bien sûr, c’est ce qu’il m’a dit. Il m’aurait dit de chercher une sauterelle rose que c’était pareil… mais il a dit << lion vert ! >>

Hum, hum ! fit mon petit frère d’un air dubitatif.

  • Tais-toi, Éliot, je n’arrive plus à penser, fit Charly.

Je m’énervai :

  • –                             Bon ! Une fois pour toutes, Éliot, si tu as quelque chose à dire, dis-le ! Parce que ton attitude ne fait pas avancer notre affaire…
  • C’est cette histoire de vert qui me chiffonne. Ce n’est pas moi qui suis rusé comme un renard, pourtant, quand je vois un lion en verre, je me dis que…

Bon sang ! Mais bien sûr ! Je me suis fait prendre par un homonyme. Et tout ce temps perdu ! Quand Maurice m’a dit << vert >>, j’ai directement pensé à la couleur.

  • Et dire que c’est le plus petit d’entre nous qui nous fait la leçon

‘•

  • Je préfère que tu dises le plus jeune, Charly.

Nous étions au pied d’une imposante statue de verre représentant un lion. Je tentai de rassembler mes pensées mais, entre Liana qui congratulait Éliot et Charly qui me surnommait le

renard    trompé,    ce             n’était   pas facile.  Sur  le  socle  de  la statue,

une  carte , eta1.t  grav, ee        mai.s,           sur

celle-ci, pas  la  moindre              trace     de

temple inca, en ruine ou pas.

Je ne vois pas où nous sommes, dit Charly après avoir examiné le plan.

C’est  simple,  nous          sommes

•      •  

lCl.

Alors que j’appuyai mon doigt sur le morceau de verre gravé, le lion pivota, laissant apparaître un monde souterrain.

  • Hourra ! On y est arrivés !

On   forme               vraiment     une sacrée  équipe, les            copains,                   ajouta Liana,            qui  ne  nous             avait     pas  été pour l’instant d’une grande utilité. D’une                 compagnie               agréable, certes,             mais     pas              d’une    grande

utilité.

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

2:ïâ – a-     

Dernière page du chapitre

• •

•  

.• ..-,..,  T  •         ,.

Nous nous retrouvâmes soudain affublés de pagnes, de tuniques colorées et de sandales. Nous étions sûrement très près du but, car nous ressemblions vraiment à des Incas. Enfin, pour ce que j’ai pu en lire dans les encyclopédies.

-Tu    es très jolie, Liana.

  • Merci, Éliot, tu n’es pas mal non plus.

Non,  non,   je                     n’ai    pas    mal, merci• .

J’éclatai de rire. Non pas à cause de mon petit frère, mais parce que j’étais tellement concentré sur

notre mission que je n’avais  pas vu que d’énormes boucles ornaient nos oreilles. Le plus rigolo, c’était Charly. Ça lui allait à merveille. Je repris mon  sérieux, le temps pressait.

Soyons prudents, Darmoun doit être dans les parages. Là où il y a une fiole à prendre, la hyène n’est jamais loin.

  • Les garçons, intervint Liana, promettez-moi de me laisser persuader Mounrad de ne pas devenir ce méchant sorcier. Il m’écoutera, j’en suis certaine.

Charly haussa les épaules.

-PFF, je crois que tu vas user ta salive pour rien.

-En parlant de salive, intervint Éliot, j’ai l’eau à la bouche, moi. Personne n’a un petit truc à grignoter?

Celui-là, il ne pensait qu’à manger!

Devant nous, le temple était visible, enfin ce qu’il en restait.

L’édifice étêté avait laissé la végétation prendre place. La communion de la pierre et de la nature offrait un magnifique tableau. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine ;  c’était, comment dire… une sorte de coup de foudre culturel. Je devinais la construction intacte, façonnée pierre par  pierre  par une poignée d’hommes d’un autre temps. Charly me rappela à  l’ordre :

  • Pssssst… Léo ? Tu es dans la lune et ce n’est pas le moment. Comment fait-on pour arriver au temple?

Derrière un coteau, nous trouvâmes la solution. Deux lamas attendaient tranquillement en ruminant de l’herbe fraîche.

  • C’est rapide, ça ?

Rapide,  pas                         vraiment,                         mais certainement plus que toi, Charly.

Un    seul ,     problème         restait :

convaincre  Eliot,  réticent                      suite   à

sa mésaventure avec le gros lapin incontrôlable. Je tentai de le rassurer:
  • Nous serons deux sur chaque lama. Tu peux choisir qui tu veux pour monter avec toi, si ça te rassure.
  • Pas Charly, en tout cas. S’il fait une allergie et qu’il m’éternue dessus, beurk !
  • Sympa, frérot, fit Charly. De toute façon, je ne voulais pas d’un morveux peureux accroché à mes basques ! Viens, Léa, je te prends avec moi•.

Génial, j’allais être en binôme avec monsieur Catastrophe pendant qu’Éliot allait  s’agripper à la belle Liana, que sa tunique fuchsia mettait en valeur. Elle monta en amazone sur l’un des lamas et aida Éliot à grimper en  lui tendant la main.

  • On prend celui-là ! ordonna Charly, qui s’était visiblement attribué des galons imaginaires.
  • –                       Ça tombe bien, il ne reste que lui, fis-je en me plaçant devant l’animal.

Sans doute vexé par mon manque d’enthousiasme, ce dernier me cracha en pleine figure. Une masse visqueuse me dégoulinait sur le visage. Inutile de vous dire que tout le monde était écroulé de rire. Je commençais à croire que la malchance de Charly était contagieuse. D’habitude, ce n’est pas le genre de truc qui m’arrive.

Hé bien, mon vieux, dit Charly entre deux hoquets, ce n’est pas de chance. Allez, grimpe

‘•

Je voulais bien grimper, mais le lama, impitoyable, me repoussait avec l’une de ses pattes arrière. Je fus quand même le plus rusé. Je feintais une action vers la droite. L’animal, dépourvu de toute finesse, ne me vit pas venir à gauche et je pus ainsi m’installer

sur son dos, m’accrochant à Charly qui, comme chacun sait, est un cavalier totalement novi• ce…

J’eus  rapidement   les          fesses           en

compote. Tous les dix mètres environ, notre monture ruait dans l’unique but de me désarçonner. Qu’est-ce qu’il pouvait bien me reprocher ? Moi qui n’ai jamais fait de mal à une mouche !

Nous  voilà  arrivés,          déclara

Éliot. C’était chouette avec Liana !

  • Tout le monde ne peut pas en dire autant…

Sous nos yeux, une silhouette familière pénétra furtivement dans le temple en ruine. Nous abandonnâmes aussitôt nos montures et nous élançâmes dans la même direction. Il ne fallait pas se faire doubler par Darmoun, cette fois-ci. Tout le monde en

était.  conscient   sauf          Liana,        qui

continuai.t  nai..vement  ‘a                    cro.ire           en

la  pureté  intérieure  du sorcier. Je

sentai.s  que  nous,

et1.

ons tout  pres

du       dénouement            de            notre aventure.

C’est aujourd’hui et maintenant que Yakou va recouvrer son apparence de petit garçon et retrouver sa famille.

Bien   dit,   Léo   ! approuva Charly.

  • Je suis d’accord, même si j’ai quand même un petit  creux, ajouta Éliot.

Notre enthousiasme fut de courte durée : un énorme disque doré bloquait l’entrée principale, une façon sans doute de dissuader les pilleurs afin de préserver les richesses de ce lieu magique.

On    peut                     essayer                     de        le pousser, proposa Liana.

L’idée, bonne en théorie, ne donna rien. L’or est un métal lourd, et la pièce géante devait peser des tonnes.

Il  y  a   peut-être        une   autre entrée?

Je ne croyais pas trop à la suggestion d’Éliot, mais il faisait marcher ses méninges et ça, ça me plaisait.

  • Il doit y avoir un mécanisme, tu ne penses pas, Léa ?

Évidemment qu’il y avait un mécanisme… Le tout était de le trouver. J’étudiai minutieusement la surface brillante.

Je me demande à quoi correspondent les renfoncements ronds. Il y en a huit.

Liana s’était elle aussi mise à cogiter.

  • Qu’est-ce qui est au nombre de huit? réfléchit-elle tout haut.

Deux fois quatre ! proposa Éliot en levant le doigt comme à l’école.

  • Pffft… à part le grand huit…

Par mégarde, Liana fit tomber l’une de ses boucles d’oreilles. Eurêka ! J’avais trouvé ! Je leur demandai de me donner toutes leurs breloques. Les boucles

d’oreille en or s’incrustèrent parfaitement dans les trous laissés béants. Quand je plaçai la dernière, le disque pivota, nous laissant le champ libre.

Mounrad se tenait devant nous, les mains sur les hanches. Comment avait-il pu bien faire?

  • Donné-mwa la fi.olé !

Je me plantai devant l’horrible personnage.

D’abord, on ne l’a pas, et ensuite elle ne te servirait à rien : tu es un petit garçon, pas encore une hyène.

Léa a raison, Mounrad, ajouta Liana d’une voix  douce. Ton combat a assez duré, tu ne crois pas qu’il est temps  de passer à autre chose ?

.                         .  
,                              ,                                                    ,  

Yé né peu pas changé lé passe, mais ye peu avo1w une plouss bo foutour.

  • La fiole, on l’aura avant toi, lança Éliot. Pour Yakou !
  • –                            Twoi,  lé  minouss,   tou  va lé réglété ! menaça le sorcier.

Soudain, le sol se mit  à trembler, comme un séisme de magnitude six (au moins !).

Malgré les secousses, Mounrad gardait sa posture tandis que, sous ses pieds, se formait une crevasse d’où surgit un monstre. Une véritable horreur.

C’est   quoi,    ce            monstre      ?

trembla Éliot.

T’inquiète pas, Éliot, le rassurai-je. Si ça va trop loin, je te pince et tu te réveilles, OK ?

-OK!

Charly se frotta les mains.

Enfin un peu d’action ! Ça ressemble à une histoire de jeu vidéo, ça.

Liana poussa un cri :

  • Mounrad, non ! Ne fais pas ça

! Pas ce monstre !

Je ne comprenais plus.

  • Pourquoi,   Liana,         tu         connais cette créature ?

Les yeux pleins de larmes, elle nous expliqua qu’il s’agissait du kraken ! Ça me disait vaguement quelque chose. Une sorte de créature de très grande  taille dotée de nombreux tentacules.

  • C’est pas  un  monstre marin,

le kraken?

Elle me répondit que c’était un monstre tout court et que, dans notre intérêt, il valait mieux passer la main.

Déjà, les énormes bras du calmar géant se déployaient. Il balayait les pierres comme des fétus de paille et n’obéissait qu’à une seule voix, celle de Darmoun. Si nous n’arrêtions pas ce carnage, il n’allait plus rien rester du temple, et donc de la fiole.

Il ne fallut qu’une seconde d’inattention, et le drame advint. Le kraken s’empara d’Éliot. Maintenu par un tentacule, le petit s’agitait comme un beau diable. Charly était tétanisé.

  • –                      Il va l’avaler! Pince-moi, Léo. J’approchai  mes        doigts  du      bras de Charly.  Battre ainsi en    retraite n’était   pas   dans   nos habitudes, mais là, nous                 n’avions           plus

d’issue.

  • C’est affreux, je ne peux pas voir ça. Mounrad, supplia Liana, fais quelque chose ! Je t’en supplie, tu n’es pas si mauvais !

Rien n’y fit, le garçon sadique restait de marbre.

.  
,                                                                            ,  

Soudain, dans le chaos, la peur et le fracas, un petit bruit fuyant se fit entendre. Une fumée verdâtre sortit des fesses d’Éliot. Il venait de faire un pet, dont l’efficacité fut immédiate. La creature monstrueuse em1t un grognement d’outre-tombe, lâcha notre frangin et se recroquevilla sous le sol, dans les entrailles de la terre.

Bon    débarras,    fis-je                    en soufflant de soulagement.

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

Charly, bien décidé                à                en
découdre avec notre              ennemi
numéro un,          se lança     à              sa
poursuite tandis que,           suivi       de

Liana, j’accourais au chevet d’Éliot pour m’assurer qu’il allait bien.

  • Tu es trop fort, coco. Tu es venu à bout du kraken ! Tu te rends compte, c’est une première mondiale…

Éliot fit la moue.

Désolé, mais le stress me donne de l’aérophagie. Tu crois que ça peut marcher contre Darmoun?

C’était peut-être une bonne idée, en effet.

Allons donner un coup de main à Charly.

Dernière page du chapitre

• •

•  

.• ..-,..,  T  •         ,.

Nous courions tant bien que mal dans la jungle, essayant de rattraper Charly, qui essayait de rattraper Darmoun. Soudain, se dressa devant nous une figure i• mmense.
  • Cette statue           inca, elle n’était pas là, j’en suis certaine, dit Liana. C’est vrai        que     je    ne me souvenais    pas         l’avoir    aperçue

auparavant. C’était bon signe.

La  fiole  y  est   sans       doute.

Allons-y!

PRRRROUT I Éliot devint rouge tomate.

  • –                        Humm, désolé, je suis encore

un peu stress, e…

C’est alors que nous aperçûmes Charly, qui se battait avec Mounrad sans ménager  ses efforts. Il fallait aller lui prêter main-forte, mais également chercher l’élixir. Je pressentais que notre rêve touchait à sa fin.

  • Séparons-nous, proposai-je.

Mounrad, j’en fais mon affaire, nous lança Charly. Éliot et toi, allez sauver notre ami chat. Dans la vie, l’amitié, c’est très important!

Notre rêve s’écoulait vers une fin heureuse. Charly maîtrisait bien la situation et nous allions sûrement mettre la main sur la fiole, mais une chose étrange se produisit : plus nous approchions de cette statue de pierre et plus la métamorphose de Mounrad en Darmoun opérait. Ce n’était plus avec un garçon de son âge que Charly se roulait dans la boue,

mais   avec   une            affreuse            hyène balafrée.

  • Je vois la fiole ! cria Éliot, tout heureux.

Moi aussi, je pouvais l’apercevoir, ce flacon qui nous faisait tant rêver. La statue en

pi• erre     reprersenta1•t                une                     teA   te

humaine ornée d’une coiffe à plumes. Au milieu de son ventre, en guise de nombril, se tenait la bouteille magique. Éliot était aux anges.

  • On va y arriver, cette fois-ci.

Je me tournai vers mon petit frère, tout enjoué, et découvris avec stupeur qu’il commençait à disparaître.

  • C’est fini pour toi, Éliot, tu te réveilles !

BOUM I Je fus projeté au sol par un coup de tête de Darmoun, qui me passa ensuite dessus sans vergogne.

  • Je la tiens, cette sale bête, je la tiens !

Accroché à la queue de l’animal, Charly ne lâchait pas l’affaire, sauf qu’il était lui aussi en train de sortir de notre rêve ! Ses jambes étaient déjà transparentes.

Je ne pouvais plus que compter sur moi, mais je sentais que mes forces m’abandonnaient. Si près du but, cela ne pouvait pas être possible ! Je devais tenter une dernière action. Si Darmoun devait me coiffer au poteau, je ne m’en remettrais jamais. Sous mes yeux, la hyène s’empara de la fiole, mais elle fut stoppée par Liana, qui lui parlait d’une voix douce:

  • Non !  Il  y  a  sans doute  une

autre solution. Tu ne vas quand même pas errer de rêve en cauchemar toute ta vie ! Fais-le pour moi. Fais-le pour ta maman, celle qui t’a gentiment ouvert la porte de sa hutte, celle qui t’aime et qui t’aimera toujours.

Dans le regard fuyant et vil de l’animal, je pus déceler une étincelle d’humanité, un cas de conscience infime qui me redonna de l’espoir. Réunissant mes dernières forces, j’effectuai un saut et lui arrachai la fiole des pattes, mais je ne parvins pas à la garder. Elle roula à même le sol et nous la suivîmes du regard, impuissants l’un comme l’autre. Elle disparut de notre champ de vision en tombant dans une faille causée un peu plus tôt par le kraken.

Je jetai un coup d’œil en l’air. Mes frères avaient embarqué sur

leur  nuageomobile  et         me         disaient au revoi• r.

– À dans quelques jours, Léa ! Profite bien de ton séjour au domaine du Bois des Secrets.

Merci,   Éliot,  je              t’aime  très

fort.

Amuse-toi    bien,                      mon                      Big

Be’b,e .’

–   Salut, Charly, je t’aime aussi.

Liana et moi étions aussi doucement gommés de cette aventure incroyable. Nous disparaissions discrètement du paysage. Le moment de l’au revoir, des remerciements, était venu. Je savais maintenant ce que Liana avait apporté à notre rencontre : c’était beaucoup d’espoir. Sa détermination à nous prouver envers et contre tout que Mounrad était au fond quelqu’un de bien méritait le respect. Elle avait raison sur toute la ligne, l’amitié peut aussi déplacer des montagnes.

Oh,   j’en   oubliais         Darmoun          !

Mais où était-il passé ?

  • Oh non, pas ça !
  • Que se passe-t-il, Léo ?

Je montrai à Liana comment Darmoun était en train de faire sa sortie de scène. Il était accroché au nuageomobile d’Éliot. Mes frères ne s’étaient rendu compte

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

de rien. Dans quelques instants, alors que Charly et Éliot se réveilleraient dans leur lit  douillet, Darmoun, le sorcier balafré, allait se retrouver lâché dans notre vraie vie.

C’était    le    pire     qui

arriver     !    Nous   allions mettre       Simba       sous protection !

pouvait

devoir haute

Dernière page du chapitre

• •

•  

.• ..-,..,  T  •         ,.

Au domaine, le petit déjeuner était assez sommaire : chocolat chaud (en poudre), tartines  de pain (rassies) et confiture de fraises (sans sucre). En revanche, l’ambiance à la cantine était assez joyeuse. Un poste de radio passait une mélodie familière, et j’entendais Maurice en fredonner le refrain.

Nananana… troooop d’la bombe ! Nanana… trooooop d’la bombe!

Une jeune demoiselle fit son apparition dans la cantine,

accompagnée de monsieur Cradoc, qui s’était peigné pour l’occasion. Quelques caïds ne purent s’empêcher de la siffler, ce qui fait vraiment mauvais genre !

Elle ressemblait trait pour trait à Liana, mais avec quelques années en plus. Monsieur Cradoc fit les présentations.

  • Voici mademoiselle Liana, la cheftaine qui s’occupera de votre groupe. Nous sommes vraiment désolés, mais le responsable du domaine est couché avec un gros rhume. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Pour ceux et celles qui voudraient lui témoigner du soutien, vous pouvez m’apporter vos dessins ou vos petits mots, je lui transmettrai sans problème.

Pas étonnant d’être enrhumé quand on s’amuse à jouer avec de la glace !

  • Hé, Big Bébé ?
  • Quoi, Maurice ?
  • –                               T’as appelé au secours une bonne partie de la nuit, je n’ai pas pu fermer l’œil à cause de toi et, quand je suis fatigué, je ne suis pas content. À bon entendeur…
.  

Le message était bien passé, il fallait que je surveille mes arr1’eres.

La première journée d’activité me ravit. Parcours de santé, herbier, tout ce que j’aimais. Liana proposa une récompense au premier qui trouverait une belle empreinte et un bonus à celui qui parviendrait à l’identifier.

Manquant de patience, Maurice et sa bande abandonnèrent vite l’idée de chercher, et surtout de trouver, une trace de patte. Ils n’y

voya.ient  aucun 1. n,ter« et                 autre                 que

celui de la récompense. Pourtant, et comme à l’accoutumée, ils joueraient des coudes pour parvenir à leurs fins et obtenir le cadeau promis.

Je fus très productif sur le terrain. Empreintes de marcassin, de chevreuil et même d’écureuil. À la fin de la journée, nous n’étions plus qu’une poignée d’écologistes aux côtés de notre guide. Le soir commençait déjà à tomber quand je fus intrigué par une trace sur le sol poussiéreux.

  • Qu’est-ce que c’est que cette empreinte ? demanda l’un des élèves de notre groupe.

Je crois que c’est une empreinte de hyène, répondis-je, sûr de moi.

  • HA, HAI Tu es un petit comique, toi ! Des hyènes par ici, n’importe quoi ! Allez, on est tous fatigués, rentrons au camp.

Je n’insistai pas. Et même si je racontais le centième de notre aventure, personne ne  me croirait. Au dîner, après une assiette de coquillettes, j’eus droit à toutes les récompenses promises, à la grande

exaspération  de                         Maurice,                         qui me foudroyait du regard.

Voilà   ton                       premier                       badge d’explorateur.

  • Merci, mademoiselle, c’est un grand honneur.

Le bonus ! Le bonus ! Le bonus ! scandèrent les copains, bien plus curieux que moi.

Liana les fit taire.

Silence, silence ! Le bonus, vous l’aurez deviné, sera aussi pour Léa, qui a été l’un des seuls à s’investir autant dans les activités

propos, ees.

J’allais   finir    par                   rougir.                   Elle continua.

Comme                               bonus, exceptionnellement, tu as le droit de donner un coup de fil à ta famille.

-Ah    bon?

-Tu    as l’air déçu, Léa.

  • Non, répondis-je,          c’est   que         je pensais         recevoir         une             autre

décoration  ou  un                     diplôme.                     Enfin, quelque chose dans le genre.

  • Si tu ne veux pas téléphoner chez toi, tu peux toujours offrir ce privilège à l’un de tes amis ici

pr, esents.

Après    quelques               instants       de

réflexion, il me parut évident que je devais téléphoner chez moi. Rassurer maman et papa, mais surtout prévenir mes frères que Darmoun avait atterri dans la vie, dans notre vie ! Notre aventure n’allait plus se limiter au domaine des rêves, mais continuerait dans notre quotidien…

  • HA, HA I Big Bébé va téléphoner à sa maman… se moqua Maurice.

La moutarde me monta au nez.

Hé, Maurice, qui est-ce qui pleurait après sa maman hier soir dans le cabanon ?

  • Ce n’est  pas  moi         !                fit-il, l’air outré.

Je continuai:

  • –                            Ah oui ? Et qui suce encore son pouce?

-Allez, bonne nuit, Léo.

Voilà, c’était réglé : ce n’était pas demain la veille que Maurice irait me chercher des noises.

-Allô, maman? C’est Léo.

  • Léo ? Il y a un problème ? Pourquoi tu téléphones ? Tu n’es pas blessé, mon chéri ?
  • Du calme, mamounette, tout

va bien. J’ai gagné le droit de passer un coup de fil lors d’une expédition et je voulais te dire que je t’aime.

Moi aussi, je t’aime ! Ton papa va être déçu d’avoir raté ton appel. Figure-toi qu’un animal sauvage a fait des dégâts dans le potager et le poulailler, alors il est allé acheter des pièges.

Mumm…   Sans    doute   un renard,    maman.    Tu   peux me

passer mes frères ,?

  • CHARLYVVVVVYV  I ELIOOOOOOT      I Léo,

au téléphone !

J’entendis comme un troupeau de mammouths dévaler les escaliers.

-Léo? Ça va?

À ce moment, monsieur Cradoc pénétra dans le bureau pour me demander d’écourter ma conversation. Il tapotait sur le cadran de sa montre comme si cela faisait des heures que je téléphonais ! Je murmurai dans le combiné:

  • Charly, Éliot, le loup est dans la bergerie ! Je répète, le loup est dans la bergerie.

Un loup ? fit Charly. Nous pensions plutôt à un renard. Il y a des traces dans le poulailler…

La confusion était totale… et ce fameux Cradoc qui restait planté comme un poireau à côté du téléphone ! Tant pis, il fallait que je le dise :

Darmoun     est     dans les parages. C’est plus clair?

Le silence à l’autre bout du fil me rassura. Ils avaient compris. J’étais déchiré entre la joie de profiter de ma classe verte et l’envie de rentrer chez moi auprès des miens.

Je    raccrochai,        espérant         que

Charly et Éliot, ainsi prévenus, mettraient tout en œuvre pour protéger Simba.

Ce que j’ignorais, c’est que Darmoun s’était déjà fait des alliés. Il avait conclu un pacte avec Barracuda, l’horrible chien plissé de mes voisines, des triplées aussi méchantes que leur animal. Une poignée de pattes avait scellé cet accord diabolique.

  • Rira bien qui rira le dernier, avait grogné le chien.
  • Yé né rien compris, mais yé soui d’accor, avait ricané le sorci• er.

Notre pauvre matou devait s’attendre au pire… mais croyez bien que Charly, Éliot et moi, en

Les Aventurêves – tome 5 – Rira bien qui rira le dernier

Aventurêveurs qui se respectent, allions montrer à ces deux grosses brutes de quel bois nous nous chauffions !

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